Nous nous excusons auprès de nos lecteurs et de la LTF pour avoir laissé passer une coquille dans le premier tirage de Révolution communiste n° 9 (« islamophile » au lieu de « islamophobe », p. 3). Comme nous l’avons rectifié pour le second tirage, il fallait lire : « Charlie Hebdo n’est ni une « presse bourgeoise islamophobe » (LTF), ni un « journal anarcho-trotskyste » (Jean-Marie Le Pen) ».
La déclaration de la LTF du 7 janvier donnait pour seule preuve que Charlie Hebdo ciblait la religion des opprimés : « le numéro paru le jour des meurtres faisait en première page la promotion du dernier brûlot raciste et islamophobe de Michel Houellebec ». La LTF sert une version sophistiquée de la justification islamiste : « ils l’ont bien cherché ». Et les victimes à l’Hyper Cacher de l’opération concertée des mêmes fanatiques, n’étaient-elles pas un peu coupables, en vendant ou en achetant des aliments conformes à la religion israélite ?
Charlie Hebdo n’était certes pas communiste révolutionnaire : politiquement, il charriait plutôt un fourre-tout d’anarchisme, d’écologisme, de pacifisme, de keynésianisme… En tout cas, il mêlait aussi antiracisme, anticléricalisme et antimilitarisme à un ingrédient qui semble étranger à la LTF, le sens de l’humour. Si quelqu’un n’aimait pas cet humour, il n’était pas obligé d’acheter ce journal. Si un bigot n’aimait pas les illustrations de Charlie Hebdo, il n’était pas forcé de les regarder, pas plus que les sculptures antiques. Pour notre part, nous sommes fiers d’avoir publié, de leur vivant, des dessins de Cabu, de Charb et d’Honoré.
Première calomnie : Charlie Hebdo faisait la promotion d’un brûlot islamophobe.
Nous ne sommes pas sûrs que quiconque à la LTF ait lu le roman en question, mais nous sommes certains que l’auteur(e) de la déclaration prend ses lecteurs pour des imbéciles. Quand un journal satirique se moque en « première page » d’un romancier, il ne s’agit pas d’une « promotion ». Si c’était vrai, le cas de Charlie s’aggraverait : ses « premières pages » auraient fait l’apologie de l’expulsion des immigrés, des licenciements patronaux, des guerres françaises en Afrique, des manifestations contre les homosexuels, de Sarkozy, de la famille Le Pen, des papes catholiques… Les tueurs réactionnaires, eux, n’ont pas confondu Valeurs actuelles ou Minute avec Charlie Hebdo.
Deuxième calomnie : Charlie Hebdo fait partie de la presse islamophobe.
Le quotidien danois Jyllands-Posten a publié en 2005 des caricatures qui se moquaient de l’islam, alors qu’il n’a jamais fait la même chose envers la religion chrétienne. C’est un procédé islamophobe quelle que soit la qualité intrinsèque des dessins, mais de toute façon moins grave que les bombardements impérialistes ou les mesures contre les travailleurs étrangers que soutient ce journal bourgeois.
Aucun rapport avec Charlie Hebdo qui a toujours défendu les travailleurs immigrés et s’est moqué de toutes les religions. Il était un encouragement à la liberté artistique et à la laïcité bien au-delà des frontières de la petite France. Sur leur terrain, à leur manière, les dessinateurs de Charlie Hebdo poursuivaient l’oeuvre des Lumières, des encyclopédistes du 18e siècle.
Engels a toujours recommandé aux dirigeants du prolétariat contemporain de traduire, pour la diffuser en masse parmi le peuple, la littérature militante des athées de la fin du 18e siècle. À notre honte, nous ne l’avons pas fait jusqu’à présent… On se plaît à dire, par exemple, que la vieille littérature athée du 18e siècle est désuète, non scientifique, puérile, etc. Rien de pire que ce genre de sophismes pseudo-scientifiques qui masquent soit le pédantisme, soit une incompréhension totale du marxisme. (Lénine, La Portée du matérialisme militant, 12 mars 1922)
Troisième calomnie : Charlie Hebdo fait partie de la presse bourgeoise.
Avec Siné Mensuel et Le Canard enchaîné, pour qui Cabu dessinait aussi, Charlie était un des rares journaux sans publicité et indépendants de tout groupe capitaliste. Les deux tueurs ont demandé qui était Charb, en entrant dans la salle de rédaction. Charb était le rédacteur en chef de Charlie Hebdo. Il n’était pas lié au capital mais au mouvement ouvrier (CGT, PCF, LCR-NPA). À ses obsèques, ses proches ont chanté L’Internationale.
Ce que prône de fait la LTF, c’est l’autocensure sur la religion musulmane, exactement ce qu’exigent les salafistes et les djihadistes, et qu’ils imposent par la violence où ils le peuvent. La logique est de justifier des interdictions à l’encontre de toute forme d’art qui choquerait les obscurantistes, sous prétexte que telle ou telle religion est celle d’opprimés.
Or, il n’y a pas de religion qui ne soit pas professée par des opprimés, à l’échelle mondiale. Les communistes internationalistes en tiennent compte. Ils défendent les droits des minorités religieuses, en France comme en Irak. Par exemple, ils s’opposent ici aux mesures contre les filles et les femmes qui portent un foulard musulman. Mais ils n’oublient pas pour autant que toutes les religions, sans exception, justifient l’oppression et l’exploitation, ni que les clergés servent la réaction.
Le marxisme considère toujours la religion et les églises, les organisations religieuses de toute sorte existant actuellement comme des organes de réaction bourgeoise, servant à défendre l’exploitation et à intoxiquer la classe ouvrière. (Lénine, De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion, 13 mai 1909)
Pour leur part, les communistes internationalistes ne flattent pas l’arriération, religieuse ou autre. Par conséquent, ils sont partisans de la laïcité de l’État. Par conséquent, ils s’opposent à l’autocensure et à la censure étatique, même pour les romans de Céline, les concerts d’Atzmon ou les spectacles de Dieudonné.
Chacun est libre d’écrire et de dire tout ce qu’il veut, sans la moindre restriction. La liberté de parole et de la presse doit être entière. (Lénine, L’Organisation du parti et la littérature du parti, 12 novembre 1905)
Hommage à Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, artistes tombés sous les balles de fascistes !