La nation de l’ouvrier, ce n’est ni la France, l’Angleterre ou l’Allemagne, c’est le labeur, l’esclavage salarié, la vente de soi-même. Son gouvernement n’est pas français, anglais ou allemand, c’est le capital. (Karl Marx, A propos du « Système national de l’économie politique » de List, 1845)
Les élections de mai donnent un avertissement au prolétariat européen
Les deux traits marquants, à l’échelle de l’Union européenne, du scrutin du 25 mai sont l’abstention massive et la percée des partis fascisants et fascistes.
L’abstention s’élève au total à 56,91 % comme en 2009 (56,5 %), avec un record en Slovaquie (87 %). L’abstention majoritaire est un signe de désintérêt vis-à-vis de l’UE, mais aussi de désarroi des travailleurs au sens large (prolétaires, cadres et travailleurs indépendants).
Ce diagnostic est confirmé par le progrès notable des partis bourgeois xénophobes en Grande-Bretagne (27,5 %), au Danemark (26 %), en France (25 %), en Autriche (19 %), en Hongrie (15 %), en Grèce (9 %)… Ce renforcement exprime la putréfaction du capitalisme, ces partis exacerbant et durcissant un thème qui est déjà présent dans l’idéologie et la pratique gouvernementale des partis bourgeois « démocratiques » (le nationalisme, le racisme) qu’ils combinent avec le rejet de l’Union européenne par une fraction grandissante de la petite bourgeoisie, voire de la grande bourgeoisie, de leur pays (le repli sur l’économie nationale, le protectionnisme). Leur politique précipiterait la dépression économique et déboucherait sur les affrontements entre puissances impérialistes.
Pourtant, ce nationalisme réactionnaire rencontre chez les déclassés, les chômeurs, les travailleurs indépendants un écho d’autant plus grand que les bureaucraties syndicales et les partis ouvriers bourgeois qui prétendent corriger l’UE capitaliste qui est bien incapable d’unifier les pays membres, de protéger de la crise capitaliste, de garantir la paix (Yougoslavie, Ukraine) ou nourrissent l’illusion étatiste et rétrograde du « capitalisme dans un seul pays ».
En France, l’addition des résultats des partis ouvriers se réduit à 22 % des suffrages exprimés, en négligeant la présence d’organisations étrangères à la classe ouvrière dans plusieurs listes présentées par le PS, le PCF, le PdG et le NPA (« radicaux », écologistes, régionalistes, « souverainistes »…). Le PS subit une déroute électorale (14 % des suffrages), mais sans qu’elle bénéficie au « Front de gauche » (6 % des exprimés), ni à LO (1,2 %) et encore moins au NPA (0,4 %).
Les partis bourgeois totalisent 78 % des suffrages exprimés. Le FN passe devant l’UMP (presque 25 % contre moins de 21 %). Plusieurs commentateurs ont déduit de cette élection que le FN était devenu le « premier parti ouvrier ».
Le FN est devenu le premier parti ouvrier de France. (Les Échos, 20 juin)
Il faut rappeler qu’au moins 65 % des « ouvriers » (selon la classification de l’Insee) se sont abstenus, 68 % des « employés » et 69 % des chômeurs aussi. Certes, parmi les 35 % des « ouvriers » (au sens de l’Insee) qui ont voté, beaucoup ont voté Le Pen (selon l’estimation la plus forte : 46 %). C’est catastrophique et alarmant (sauf pour le POI), mais le FN n’est pas pour autant le parti des ouvriers, des employés et des chômeurs. Par exemple, en tablant sur le fait qu’il y a 3 % de votes nuls ou blancs parmi les « ouvriers » (la proportion de la population électorale), le calcul est le suivant :
(35/100) x (97/100) x (46/100) = 15,6/100
Autrement dit, moins de 16 % des « ouvriers » ont voté FN.
De même, s’il y a un vote FN dans la jeunesse, il ne faut pas oublier que les jeunes se sont encore plus abstenus (74 %) que le reste de la population (57,5 % pour l’ensemble des électeurs). Les deux tiers des femmes se sont abstenus, contre la moitié des hommes.
L’économie française stagne, le capitalisme français perd pied par rapport à ses concurrents, le chômage augmente, les petites villes périclitent. Le FN propose une solution absurde, irrationnelle et réactionnaire, mais profonde et audible : abandonner l’euro, sortir de l’UE, expulser les étrangers. Il faut insérer la montée électorale du FN aux élections municipales et « européennes au renforcement dans la rue des fascistes, aux attaques des locaux PS ou LGBT, à l’assassinat de Clément Méric.
Politiquement, Le Pen pousse son avantage, elle réclame une représentation parlementaire d’un parti qui représente 25 % des suffrages et la dissolution de l’Assemblée nationale actuelle, piégeant ainsi tous les démocrates bourgeois, y compris ceux du PS, du PCF, du PdG et du POI.
La crise de l’UMP s’accentue avec cet échec. Elle ne peut plus faire campagne pour la démission du gouvernement ou la dissolution, comme au moment de « la manif pour tous », car elle est empêtrée dans les multiples escroqueries que les rivalités internes font paraître au grand jour. Par ailleurs, elle n’a pas de solution dans l’immédiat, seul Copé est écarté, ce qui laisse en lice 3 prétendants à l’élection présidentielle qui vont continuer à déchirer le parti gaulliste.
Bien qu’ils organisent les travailleurs étrangers sans discrimination, les syndicats de salariés sont forcément touchés par la montée du FN, surtout ceux qui accusent en permanence l’UE et défendent la « nation » : d’après l’IFOP, 22 % des salariés qui se reconnaissent dans la CGT et 33 % de ceux qui se reconnaissant dans FO ont voté FN.
LO, une pratique compatible avec la bureaucratie traître de la CGT
Au royaume des aveugles du mouvement ouvrier français, les borgnes sont rois. Lutte ouvrière a pris un notable virage à gauche. Ses candidats ont été les seuls à parler de « révolution » et même de « parti », à ne pas renier la révolution russe.
La campagne de LO est restée soigneusement dans le cadre de la sociale-démocratie d’avant 1914, révolutionnaire en paroles, réformiste en pratique. Cela se manifeste sur la question-clé de l’État bourgeois. LO propose de mieux le contrôler.
Il faudra partout imposer le contrôle de la population sur les comptes des capitalistes et des États. (Mercier, Interventio au meeting pour les élections européennes, 16 mai)
Pas question de la revendication démocratique de l’armement du peuple et encore moins de la destruction de l’État bourgeois. La révolution est pour LO un programme maximum repoussé à un avenir très lointain ; dans l’immédiat, faire peur à la classe dominante permettrait de revenir aux « 30 glorieuses ». Corrélativement, LO se démarque du chauvinisme mais de manière morale, incomplète. L’allusion à un parti est non seulement repoussée à un avenir lointain, mais borné à la France.
Les résultats de LO, pour modestes qu’ils soient, préservent une perspective politique pour les travailleurs…. Ce courant pourra faire émerger un parti véritablement communiste. (« Editorial », Lutte ouvrière, 26 mai)
Son éditorial borne les élections, qui touchaient toute l’UE, à la France.
Le FN, de loin en tête des résultats, le PS, plus bas que jamais depuis des décennies, et tout cela sur la base d’une forte abstention : voila les éléments marquants de ces élections européennes. (Editorial, 26 mai)
L’internationalisme de LO est d’autant plus platonique qu’elle ne dénonce pas les partis et syndicats qui introduisent le chauvinisme dans la classe ouvrière et savonnent la pente au FN. Le seul responsable de la montée du FN semble le PS.
Le FN a réussi à détourner à son profit l’écœurement provoqué par le PS. (Editorial, 26 mai)
Pourquoi l’alliance électorale du PCF et du PdG n’a-t-elle pas profité de « l’écœurement provoqué par le PS » restera un mystère pour les lectrices et lecteurs de son journal. En dernière analyse, ce sont les travailleurs qui sont coupables.
Cette force ne pèsera réellement sur la vie politique que lorsque la classe ouvrière retrouvera sa combativité et ses moyens de lutte : les grèves, les manifestations, l’action collective. (Editorial, 26 mai)
« Les grèves », pas la grève de masse, la grève générale. « Les manifestations », pas l’armement du peuple. Des « moyens de lutte » dépourvus de comités de grève, piquets d’autodéfense, milice ouvrière, conseils ouvriers…
Voilà qui explique que la conduite de la CGT à l’usine d’Aulnay de PSA (dont le dirigeant Mercier figurait sur une liste LO aux européennes) n’ait pas été si différente de celle de la CFDT de l’usine de Florange d’ArcelorMittal (dont le dirigeant s’est trouvé sur une liste PS) : refus de se prononcer contre tout licenciement, refus d’appeler à la grève générale du groupe, incapacité à dresser des piquets de grève contre les cadres envoyés par le patron contre la grève… A l’opposé, grève locale sur l’objectif proclamé d’empêcher la fermeture du site (ce qui veut dire accepter les licenciements) d’ailleurs rapidement transformé en négociation du plan patronal.
Voilà qui explique que la perspective se réduise à « peser sur la vie politique » française et aussi sa participation à la marche « pour une révolution fiscale » organisée par le Front de gauche au ministère de l’économie, le 1er décembre 2013.
La participation grandissante à la bureaucratie de la CGT explique les limites de la « révolution » et du « parti communiste » façon LO. La direction de LO se prononce, comme le PCF, pour deux États en Palestine (ce qui est, il faut le rappeler, la position de sa propre bourgeoisie). Il est arrivé à LO de réclamer le renforcement de la police (2005, 2007), le rétablissement de l’ordre dans les banlieues avec toute « la gauche » (2005) et de participer à des listes de type front populaire avec des partis bourgeois (2008).
La ligne de LO est donc conciliable avec le « nouveau front populaire » du PCF, les « journées d’action » et la participation de la direction de la CGT aux attaques gouvernementales et patronales, tout ce qui empêche justement la révolution qu’elle prétend vouloir et que devrait être combattu pour forger un véritable parti communiste.
Le NPA, béquille du Front de gauche des sociaux-patriotes
Le Nouveau parti anticapitaliste a présenté des listes avec des formations écologistes et nationalistes petites-bourgeoises (en Bretagne, par exemple). Le NPA a débuté en parallèle au même moment une campagne chauvine avec le PCF et le PdG contre le projet de traité de libre-échange entre l’UE et les EU. Menant la même politique que le « Front de gauche », un mini front populaire, tout en s’en séparant de manière qui apparaît non justifiée, le NPA perd tout écho électoral. Une bonne partie du NPA, pour les mêmes raisons, a déjà rejoint au fil du temps le Front de gauche.
De même que LO, le NPA se garde bien d’accuser PCF, PdG, direction de la CGT, direction de la FSU qui complètent le travail du PS. De même que LO, il est incapable d’expliquer pourquoi ses listes, celles de LO et du Front de gauche n’ont pas profité de « la raclée du PS ».
Les élections européennes auront été marquées en France par une nouvelle poussée électorale du FN. Celle-ci traduit la désespérance sociale d’une partie des classes populaires et la crise politique générée par les recettes identiques mises en œuvre par les gouvernements successifs… ces élections confirment la raclée du parti socialiste en France qui paie ainsi sa politique favorable au patronat menée depuis plus de deux ans. Par l’abstention massive ou par le vote pour la droite et l’extrême droite arrivée en tête, les électeurs et électrices ont condamné cette politique. (NPA, Communiqué, 25 mai)
Selon le NPA, l’impérialisme français serait une sorte de colonie et le gouvernement français obéirait non à la bourgeoisie française, mais à l’étranger, à des organismes localisés à Bruxelles, Francfort et Washington.
Une sanction similaire touche dans la plupart des pays d’Europe, les gouvernements qui ont mis en œuvre les diktats de la Commission Européenne, de la BCE et du FMI contre les travailleurs et les peuples. Elle sanctionne aussi une Europe capitaliste antidémocratique et éloignée des préoccupations de la majorité des populations. (NPA, Communiqué, 25 mai)
A reprendre les antiennes chauvines des sociaux-impérialistes du PCF, des bureaucraties syndicales CGT et FSU, le NPA contribue aussi à désorienter la classe ouvrière et à faciliter l’emprise du FN. « La désespérance du monde du travail… La crise du politique… » C’est le langage du PCF, de même que « les diktats de la Commission européenne ». Le NPA est incapable de tracer une voie internationaliste et indépendante de la bourgeoisie pour la classe ouvrière. Les places qu’il occupe dans les appareils syndicaux CGT, FSU, SUD n’y sont pas étrangères.
Sa perspective s’inscrit plus ouvertement encore que celle de LO dans le « nouveau front populaire » du PCF d’un bloc à vocation gouvernementale. Pour faire face à la montée xénophobe et fasciste, il faudrait « construire » la « construction » (sic) de rassemblements impuissants avec les bavards écologistes, les pacifistes qui prêchent la résignation aux travailleurs, les défenseurs de la police et de l’armée qui renseignent, forment et arment les fascistes.
Il y a urgence à construire une riposte par la construction d’un mouvement unitaire contre l’extrême-droite et les groupes fascistes. Ce mouvement se construit dès les manifestations du 5 et du 7 juin, un an après l’assassinat de Clément Méric. Il se poursuivra, notamment en manifestant contre le congrès du FN en novembre à Lyon. (NPA, Communiqué, 3 juin).
Qu’est-ce qu’un « mouvement unitaire contre l’extrême-droite », sans nature de classe et sans autodéfense, qu’un front populaire ? Le réformisme du NPA est conforté par son appel à la « gauche non gouvernementale ».
Face à cette situation, où la gauche, y compris la gauche non-gouvernementale, est au plus bas, il est urgent que les salariés, les organisations de la gauche sociale et politique reprennent le chemin des mobilisations pour combattre les politiques pro-patronales et la montée des droites extrêmes qui en est la conséquence et pour offrir une alternative globale à cette société. (NPA, Communiqué, 3 juin)
« Non gouvernemental », le PCF qui a donné des ministres à De Gaulle, Mitterrand et Jospin ? « Non-gouvernemental », le PdG fondé par un ministre de Jospin qui s’est proposé à Hollande comme Premier ministre ? « Non-gouvernemental », EELV qui vient juste de quitter le gouvernement parce qu’il sombre dans les sondages ? C’est duper les travailleuses et les travailleurs au lieu de démasquer ces agents de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière.
Qu’ils « reprennent le chemin des mobilisations » veut dire que le PCF et le PdG (voire le principal parti écologiste !) auraient effectivement agi pour « combattre les politiques pro-patronales et la montée des droites extrêmes » alors que EELV a participé au gouvernement qui a approfondi la précarité des salariés et réduit leurs retraites, que le programme du Front de gauche réclame plus de policiers, que le PCF, le PdG et le NPA mènent des campagnes chauvines, que le PCF, le PdG, LO et le NPA cautionnent la collaboration de classes de la direction CGT et ses « journées d’action » pour empêcher la grève générale.
Si « les organisations de la gauche sociale et politique » (sic) ont si bien agi hier, rien n’empêche qu’elles le fassent demain. Le rôle du NPA se réduit donc à les y pousser et à être à leur côté. Cela pourrait bien aller jusqu’à la participation, en guise « d’alternative globale », à un gouvernement « de la gauche sociale et politique » qui tentera de sauver la bourgeoisie française et d’empêcher la révolution…
Le POI, un crétinisme parlementaire combiné à l’abjection chauvine
LO renoue avec la séparation dépassée entre programme minimum et programme maximum. Le Parti ouvrier indépendant n’a qu’un programme démocratique, avec plus de deux siècles de retard. Plus encore que le NPA, le PCF et le PdG, sa rhétorique épouse celle du parti fascisant. La racine est l’intégration du POI à la bureaucratie de FO, très tolérante à l’activité « syndicale » de l’UMP et du FN.
Le POI se réjouit sans réserve du résultat des élections au Parlement européen.
L’immense majorité du peuple travailleur a dit : cela suffit ! (Gluckstein, « Editorial », Informations ouvrières, 28 mai)
Gluckstein semble le seul dirigeant politique au monde à ne pas voir le succès électoral des partis fascisants ou fascistes dans presque toute l’UE.
Les résultats des élections européennes du 25 mai font éclater en pleine lumière le fait que, d’un bout à l’autre de l’Europe, les peuples rejettent l’Union européenne et les plans de la troïka communs avec le FMI. Les peuples d’Europe rejettent les politiques de pillage et de destruction au seul service des multinationales et des grands fonds financiers, principalement nord-américains. (Jenet, Gluckstein, Schivardi, Markun, Communiqué, 26 mai)
Le POI truque : l’État bourgeoisie français n’a rien emprunté à l’UE ni au FMI et donc n’a subi aucun « diktat », aucune sanction de l’UE ou du FMI.
Le communiqué du POI fusionne les classes sociales antagoniques dans chaque pays en « un peuple » mythique, sans qu’on sache sous la direction de quelle classe cette prétendue unité nationale est réalisée. En particulier, il n’est pas plus question de bourgeoisie française que de capitalisme français dans le communiqué et l’éditorial. Or, Hollande répond avant tout aux exigences de la classe capitaliste française, en particulier aux grands groupes capitalistes à dimension internationale (incluant les groupes bancaires français).
Le POI dissimule aux yeux des travailleurs l’existence de sa propre bourgeoisie, alors qu’elle est impérialiste, joue un rôle significatif dans le FMI et tient une place importante au sein de l’Union européenne, de la Commission européenne et de la BCE. Ainsi, le gouvernement français impose, avec le gouvernement allemand, des plans draconiens aux Etats bourgeois plus faibles de l’UE comme la Grèce, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal qui appellent l’UE à l’aide.
L’ennemi que le POI désigne (l’UE, le FMI, les « firmes multinationales ») n’est pas dans son pays et il est même, à bien regarder, étranger (les « grands fonds financiers principalement nord-américains »). Qu’est-ce que ne pourrait pas signer Le Pen dans ce paragraphe ?
Il faut reconnaître que le POI est bien indépendant, indépendant de la réalité. Il vit dans un monde imaginaire où la montée de la xénophobie en Europe est omise, où ce sont Hollande et le PS qui sont « totalitaires ». Comme les Témoins de Jéhovah qui avisent régulièrement de la fin du monde, les lambertistes diagnostiquent, une nouvelle fois, la mort de la 5e République.
La 5e République est touchée à mort. (Gluckstein, Editorial, 28 mai)
Pourquoi alors reprocher à Hollande d’affaiblir la République ?
Le démantèlement de la République que Hollande veut accélérer. (Editorial, 28 mai)
Pour le POI : « démanteler l’UE », c’est bien ; « démanteler la République » en France, c’est mal. Sa solution est parlementaire, une assemblée constituante.
L’élection d’une Assemblée constituante souveraine. (Editorial, 28 mai)
Que ferait « l’Assemble constituante », sinon fonder la 6e République bourgeoise, ce qui est justement le programme commun du PCF et du PdG ? La dernière assemblée constituante française, en place 1945, a eu pour fonction de compléter avec un vernis démocratique le rétablissement de l’ordre ébranlé par le renversement de Pétain et l’armement de la population. L’Assemblée constituante a contribué au désarmement des travailleurs, à la reconstruction de l’État bourgeois, à la continuité de l’exploitation capitaliste, à la reconstitution de l’empire colonial. Il en est sorti la 4e République, le modèle du Front de gauche et du POI, qui a non seulement inventé l’UE (Traité de Rome, 1957), réprimé les mineurs de charbon, mais mené la guerre aux peuples de Madagascar, du Maroc, de l’Indochine et de l’Algérie.
Qui doit démanteler l’UE et empêcher de démanteler la République, selon le POI ?
Cela passera par la mobilisation des élus, des démocrates, des citoyens. (Editorial, 28 mai)
De nouveau, les classes disparaissent. Avec tous les « citoyens » et tous les « démocrates », le POI se retrouve sur le terrain du PS, du PdG et du PCF. Avec les « élus », le POI double les réformistes sur leur droite. Il s’adresse de fait aux maires, conseillers généraux, conseillers régionaux, députés, sénateurs de la 5e République quelle que soit leur parti, UMP et FN inclus.
Cela révèle la nature de la politique du POI : capitaliste de part en part. Si le but réel était la République des travailleurs du type de la Commune de Paris, le POI le proclamerait fièrement et s’adresserait au prolétariat, pas aux « élus, démocrates, citoyens ». L’hypothèse est absurde : la 2e République ouvrière ne naitra pas d’une Assemblée constituante, mais de la formation de conseils de travailleurs et du démantèlement, par la force, des institutions répressives de l’Etat français : police, armée… dont l’UE n’est pas dotée. La République des conseils ne pourrait survivre que dans le cadre des Etats-Unis socialistes d’Europe.
Par quoi faudrait-il remplacer l’UE, selon le POI ?
Aider à franchir le premier pas concret dans le démantèlement de l’UE et de ses institutions pour ouvrir la voie à une véritable union libre des peuples et des nations libres d’Europe. En ce sens, le pays est à un tournant. (POI, Communiqué, 26 mai)
La parenté avec la « création d’une Europe de nations libres » du FN est frappante. « L’union des nations » hors de la lutte des classes est au mieux un mot d’ordre complètement creux, au pire un slogan fasciste.
Le POI est aux antipodes de l’internationalisme ouvrier, de la théorie marxiste de l’Etat, du parti révolutionnaire de type bolchevik, de la stratégie de la révolution permanente. Une partie rejoindra vraisemblablement le fascisme.
Le PCF veut revenir à Blum et Mitterrand
Le PCF n’a que faire du reste des autres pays de l’UE, il se préoccupe de « notre pays » (rien que « la France », mais toute« la France », bourgeoisie incluse).
La crise politique et démocratique de notre pays atteint un seuil critique… La France s’enfonce dans un malaise démocratique inquiétant. (PCF, Déclaration, 26 mai)
La source principale du « malaise démocratique » (sic) n’est pas à chercher en France et n’a rien à voir non plus avec le capitalisme.
Les causes de cette situation sont claires : le rejet massif du modèle libéral de l’UE… ; l’enfermement de François Hollande et de Manuel Valls dans une politique d’austérité désavouée par le pays… (PCF, Déclaration, 26 mai)
Tout tient à une mauvaise politique économique (le libéralisme, l’austérité) dans laquelle s’entête le gouvernement, alors que « le pays », donc toutes les classes sociales, la désavoue.
Le fascisme qui renait en Europe n’a rien de libéral, ni au sens politique, ni au sens économique. La solution du PCF ne met en cause ni le mode de production capitaliste, ni l’État qui le garantit. Selon les staliniens reconvertis en sociaux-démocrates, il suffirait de changer de « valeurs », de changer le gouvernement pour infléchir la politique économique menée par l’État bourgeois, renforcer l’État bourgeois qu’il oppose, faussement, au marché.
Ce soir, le PCF lance un appel solennel. De cette crise politique doit émerger une perspective réelle et crédible à gauche sur fond de rupture avec ce système rompu aux thèses libérales. La gauche s’est trop éloignée de ses valeurs. Elle ne pourra retrouver le peuple que dans un mouvement social et politique de l’ampleur d’un Front populaire du 21e siècle. (PCF, Déclaration, 26 mai)
Quel est ce « système rompu aux thèses libérales » ? La BCE qui mène une politique monétaire keynésienne en prêtant sans limites aux groupes bancaires de la zone euro à un taux directeur quasi-nul, en échange de quoi ils spéculent comme avant la crise de 2007-2009 ? L’Etat bourgeois français qui sous Sarkozy a injecté des milliards d’euros pour sauver les groupes automobiles et bancaires français, en échange de quoi les uns comme les autres licencient par milliers ?
Le PCF affabule, car Hollande et Valls restent parfaitement fidèles aux « valeurs de la gauche » :
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« la gauche » PS-SFIO et CGT qui envoya les travailleurs se faire massacrer de 1914 à 1918 au nom de « la France »,
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« la gauche » PCF, PS-SFIO et CGT qui exigea la fin de la grève générale en 1936 au nom de la défense de « la démocratie »,
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« la gauche » PCF et PS-SFIO qui fournit des ministres au général De Gaulle de 1944 à 1946,
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« la gauche » PCF et PS-SFIO qui vota les pleins pouvoirs à l’armée coloniale et tortionnaire en Algérie en 1957,
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« la gauche » PCF, PS-SFIO, PSU qui sabota la grève générale pour des élections en 1968,
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« la gauche » PCF, PS, PSU qui fit bloc en 1982 pour bloquer les salaires,
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« la gauche » PCF, PS qui privatisa à tour de bras de 1997 à 2002…
Que peut donner un vieux « Front populaire » un bloc avec des partis bourgeois qui défendra la propriété privée et l’État, sinon la démoralisation des travailleurs salariés et l’envoi des petits bourgeois dans les bras du fascisme comme en 1936 en France, en 1937 en Espagne, en 1973 au Chili ?
Le PdG, désarçonné par son propre aveuglement électoraliste et chauvin
Le soir des résultats, Mélenchon est apparu à la télévision décomposé, au bord des larmes, faute d’avoir prévu le résultat de la gestion loyale du capitalisme français par Mitterrand, Jospin (ministre Mélenchon inclus) puis Hollande, ni des gesticulations tricolores, patriotiques et protectionnistes du Front de gauche.
Evidemment, c’est la politique de Hollande qui est responsable.
Le PS emporte presque toute la gauche dans sa chute. (Maffeis, Tavel, Déclaration, 27 mai)
Pourquoi le reste de « la gauche » suit le PS et pourquoi le FN, lui, en profie, reste justement à expliquer. Mais il faudrait rompre avec le parlementarisme et la démocratie bourgeoise, engager la lutte de classe…
Alors, le Parti de gauche minimise l’avertissement de la poussée des partis fascisants et fascistes, pour se consoler de manière stupide avec ses bons résultats (un paragraphe entier de son communiqué) et avec les difficultés du FN à constituer un groupe au Parlement européen (un autre paragraphe). Il s’étend également sur le fait que le mode de scrutin donne au FN a obtenu davantage d’élus que ne lui en aurait accordés la proportionnelle intégrale. Le communiqué se conclut sur la réélection de quatre caciques du PdG !
Le PS se défausse sur l’Union européenne et l’Allemagne
En fait, le PS –qui a présenté des listes avec le PRG – est bien plus proche du PCF, du PdG, du POI et du NPA que ceux-ci le prétendent.
La politique menée par l’Europe a provoqué l’abstention des Français – malgré un léger mieux. Elle a fait le lit de l’extrême droite… (Cambadélis, Allocution, 25 mai)
Pour le PS, c’est donc la faute à l’étranger aussi, à l’UE (de manière codée, à l’Allemagne). Comme pour le PCF et le PdG, une politique économique keynésienne résoudrait tous les problèmes.
Sans une vigoureuse politique de croissance économique et de transparence démocratique, l’Europe se délitera. Sans une politique équilibrée, un leadership politique partagé avec les peuples et des institutions plus lisibles, le nationalisme hélas prospérera… (Cambadélis, Allocution, 25 mai)
Mais ce n’est pas à l’Etat français, bien trop endetté, de tenter de relancer le capitalisme par le déficit budgétaire, c’est à l’UE (en termes codés, à Merkel).
Le message principal de ce soir est clair : l’Europe doit de manière urgente se concentrer sur l’essentiel. Elle doit faire de l’emploi et de la croissance verte sa préoccupation centrale… L’Europe doit devenir plus démocratique, moins bureaucratique, plus solidaire et surtout moins austéritaire… (Cambadélis, Allocution, 25 mai)
Pour finir de contrer le FN, il ne reste plus qu’à placer ses espoirs dans l’élargissement peu vraisemblable de la coalition gouvernementale, voire à rallier tous les « républicains », dont l’UMP, contre le FN.
La Gauche doit retrouver le chemin de l’unité et les partis républicains doivent revenir à une attitude républicaine. (Cambadélis, Allocution, 25 mai)
Tous ces vœux étant assez pieux, le PS considère que la montée du FN est une sorte de fatalité dont il n’est aucunement responsable.
Pour l’armement du peuple, l’expropriation des capitalistes et les États-Unis socialistes d’Europe
Le mouvement ouvrier français est actuellement miné par le patriotisme et l’étatisme. Même LO se refuse à mettre en cause l’État bourgeois ; les autres partis s’en remettent carrément à lui.
L’idéologie étatiste pose les germes du fascisme qui est un étatisme poussé dans ses derniers retranchements extrémistes et totalitaires. (Tom Thomas, Étatisme contre libéralisme ? 2011)
En face du renouveau fasciste en Europe, il n’y a rien que le protectionnisme inconséquent des partis sociaux-patriotes, leur gestion (présente, passée et future) du capitalisme et leurs phrases usées reprises de la démocratie petite-bourgeoise et bourgeoise. Aucune voix ne défend la révolution socialiste mondiale, l’expropriation du capital, l’armement du peuple, l’abolition des frontières et les États-Unis socialistes d’Europe, la seule alternative à l’UE comme au nationalisme fasciste et semi-fasciste.
Le fascisme propose à la bourgeoisie d’écraser la classe ouvrière, ses luttes et toutes ses organisations, y compris de faire l’économie de la bureaucratie ouvrière, sur le lieu de travail comme au Parlement. Pour l’instant, tel n’est pas le choix de la majorité de la classe capitaliste en Europe.
Le PS, le PCF, le PdG et les bureaucraties syndicales survivent pour servir la bourgeoisie française et donc démoraliser régulièrement la classe ouvrière. Tous les traîtres tentent enfermer la lutte prolétarienne dans le carcan du nationalisme, de l’État et de la démocratie bourgeoise (« République », « citoyenneté », « révolution citoyenne », etc.) alors que la crise économique et le déclin de l’impérialisme français tendent à la faire exploser.
Pour faire face aux attaques contre les immigrés, les partis ouvriers, les Roms, les musulmans, les féministes, les homosexuels… il faut le front des organisations ouvrières dans l’action ; pour vaincre les fascistes, il faut une perspective radicale et exaltante qui mobilise le prolétariat et la jeunesse ; pour l’extirper, il faut en finir avec le capitalisme. Pour cela, les travailleurs doivent se rassembler au plus vite autour d’un programme révolutionnaire et d’un parti communiste européen et mondial. En France, des milliers de militants y inclinent dans les syndicats, le PCF, le NPA, LO et des groupes à leur gauche : il faut commencer à les rassembler.
Aux mots d’ordre de désespoir national et de folie nationale, il faut opposer les mots d’ordre qui proposent une solution internationale. (Léon Trotsky, Le Tournant de l’IC et la situation en Allemagne, septembre 1930)