Du pouvoir d’achat aux salariés ? Des sacrifices partagés ?
Dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 8 avril, Manuel Valls a annoncé des exonérations de 30 milliards d’euros de cotisations sociales pour les patrons au titre du Pacte de responsabilité, la baisse de l’impôt sur les sociétés et la suppression de diverses taxes, soit 8,5 milliards de cadeaux supplémentaires aux patrons d’ici 2017. Symétriquement, le gouvernement ponctionnera 50 milliards d’économies, essentiellement sur le dos des travailleurs répartis ainsi : 18 milliards pris sur les fonctionnaires et les services publics d’État, 11 milliards pris sur les fonctionnaires et les services des collectivités territoriales, 21 milliards pris sur la Sécurité sociale (dont 10 sur l’assurance maladie).
À quoi il faut ajouter un tour de bonneteau consistant à supprimer les cotisations sociales des salariés au SMIC, c’est-à-dire une partie de leur salaire différé destiné à la protection sociale, pour faire croire à une augmentation de salaires de l’ordre de 500 euros par an, mesure qui ne coûtera pas un sou aux patrons et ne fera qu’aggraver les difficultés de la Sécurité sociale !
Ce programme a été approuvé par ceux qui décident réellement : « Pierre Gattaz a salué ce matin le discours de politique générale qu’a tenu Manuel Valls hier devant l’Assemblée nationale » (Les Échos, 9 avril) et aussi par l’Assemblée nationale (par 306 voix pour et 239 contre). Le 16 avril, Valls l’a un peu précisé : gel des allocations sociales (dont les pensions de retraite), poursuite du blocage des salaires des fonctionnaires qui les appauvrit depuis 2010, diminution de leur effectif (la police n’est pas concernée)…
La seule force de Hollande et de Valls, c’est le soutien des partis réformistes et des bureaucraties syndicales
Sans surprise, les députés du Parti socialiste, élus par les travailleurs, se sont couchés en votant la confiance à Manuel Valls. Aucun(e) n’a voté contre une politique de cadeaux au capital et de coups au travail. La soi-disant aile gauche du PS s’est en grande majorité ralliée, 26 seulement des plus hardis s’abstenant. D’ailleurs, l’un de ses représentants, Benoit Hamon, tout juste nommé ministre de l’Éducation nationale, a déclaré vouloir poursuivre la modification des rythmes scolaires combattue par les enseignants et les parents d’élèves et l’attaque contre les statuts des professeurs du secondaire.
Avec l’ampleur des attaques qu’ils préparent, Hollande et Valls craignent une réaction violente de la classe ouvrière et de la jeunesse, débordant les appareils syndicaux et leurs adjoints du PS, du PCF, du PdG, de LO et du NPA. Pour l’éviter, ils ont besoin de resserrer encore un peu plus la collaboration active des directions syndicales qui ont déjà tout cautionné des régressions antérieures par leur participation sans faille au dialogue social. Aucune ne remet en cause les exonérations de cotisations sociales ; toutes mendient des « contreparties » qui, dans la mesure où les entreprises restent aux mains des patrons et l’État aux mains de la bourgeoisie, ne peuvent être que des leurres.
Après la sanction infligée à la politique conduite par François Hollande et le gouvernement Ayrault, les salariés attendaient un discours répondant à leurs préoccupations. Ce n’est pas le cas. (CGT, Communiqué, 8 avril 2014)
Mensonge ! L’immense majorité des salariés, après avoir boycotté les urnes pour désavouer Hollande, n’avaient aucunement l’illusion que Valls allait mener une politique en leur faveur ! D’ailleurs, les dirigeants syndicaux se sont tous précipités à la convocation du Premier ministre le 11 avril. Ils lui ont poliment fait part de leurs réticences sur l’absence de contreparties au prétendu pacte et de leurs « propositions » :
M. Lepaon plaide pour des discussions globales « autour de la même table » entre gouvernement, syndicats et patronat plutôt que des entretiens bilatéraux. « Notre inquiétude demeure » sur le pacte de responsabilité et les mesures d’économies, a renchéri Jean-Claude Mailly, numéro un de FO, vent debout contre le pacte. (Le Nouvel observateur, 11 avril 2014)
Évidemment, Valls s’est félicité de cette « journée de dialogue social fructueuse ».
Nous avons besoin de mettre autour de la table tous ceux qui font la richesse de ce pays… Nous avons besoin d’apaiser la société s’il faut prendre des décisions… Il n’y a pas un instant à perdre, nous ne perdrons pas une minute pour engager le redressement du pays. (Portail du gouvernement, 11 avril 2014)
Parallèlement à la collaboration des chefs syndicaux à la poursuite des attaques, des « personnalités » du Front de gauche et du NPA ont appelé le 12 avril à une manifestation nationale à Paris contre « l’austérité » et pour « le partage des richesses ». La fonction principale de cette manifestation n’est en rien de préparer l’affrontement général contre le gouvernement capitaliste français, mais de servir d’exutoire à la colère et à la recherche d’une solution politique par les travailleurs et les jeunes. .
Le mot d’ordre oecuménique de « partage des richesses » n’est que la vieille antienne des réformistes de tout poil rêvant de revenir à la situation des « 30 Glorieuses » sans toucher à la propriété privée. Des bulletins de vote pourraient suffire à réaliser cette utopie : « Nous nous retrouverons au plus tard dans les urnes le 25 mai (date des élections européennes. NDLR) pour le deuxième round » (PdG, 12 avril).
Ils participent tout autant que le PS au « système largement ramifié, méthodiquement organisé et solidement outillé de flatteries, de mensonges, d’escroqueries, de jongleries avec des mots populaires à la mode, pour promettre à droite et à gauche toutes sortes de réformes et de bienfaits aux ouvriers, pourvu qu’ils renoncent à la lutte révolutionnaire pour le renversement de la bourgeoisie » (Lénine, L’Impérialisme et la scission du socialisme, 1916).
De plus, le PCF, le NPA et le PdG exemptent la bourgeoisie française de toute responsabilité puisqu’ils appellent à manifester contre « la rigueur budgétaire et l’austérité imposées par la Commission européenne, François Hollande et le gouvernement pour satisfaire les marchés financiers ». Les sociaux-patriotes n’accusent que l’étranger (la Commission européenne, les marchés financiers internationaux), ce qui fraie la voie à la xénophobie du parti fascisant FN.
Pour la rupture avec la bourgeoisie, pour la lutte de classe
Les travailleurs cherchent comment se défendre efficacement contre les attaques incessantes du capital et de l’État bourgeois, comment se rassembler contre la réaction. Ils voudraient un gouvernement qui mène enfin une politique conforme aux intérêts de l’immense majorité de la population. Pour ouvrir une perspective politique, il faut se regrouper sur un programme de mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse, former les comités d’action pour imposer :
- À bas le pacte de responsabilité ! Dirigeants syndicaux, assez de dialogue social, rompez avec ce gouvernement de la bourgeoisie, appelez dans l’unité à la manifestation centrale à l’Assemblée nationale pour interdire le vote du pacte de responsabilité !
- Arrêt des licenciements ! Expropriation des entreprises qui licencient et de tous les grands groupes capitalistes ! Contrôle ouvrier sur les comptes, l’embauche, la gestion et la production !
- Embauche immédiate des chômeurs, partage du travail disponible, diminution du temps de travail, augmentation des salaires !
- Abrogation de toutes les réformes réactionnaires contre les retraites, contre la Sécurité sociale, les hôpitaux publics, l’enseignement public, etc.
- Expropriation des banques, banque unique d’État sous contrôle ouvrier !
- Rapatriement immédiat de toutes les forces armées engagées en Afrique et ailleurs !
Les bons esprits, défenseurs de tout poil du capitalisme, se gausseront de telles revendications, tant elles leur paraîtront irréalistes. En fait, en partant de la compétitivité du capitalisme français, ils sont conduits à accepter les reculs incessants, le chômage, les petits boulots, les salaires de misère, l’absence de toute perspective pour des millions de jeunes, la déchéance pour toute une partie de la population. Même le simple maintien de l’état existant est désormais absolument incompatible avec la survie du capitalisme. Toute revendication sérieuse heurte de plein fouet le capital et son État.
Pour empêcher les trahisons des partis réformistes (PS, PCF, PdG) et des chefs syndicaux, il faut que l’avant-garde se regroupe et forge un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste, un parti pour mettre au coeur du combat de toute la classe ouvrière l’objectif d’en finir avec le capitalisme, de chasser le gouvernement de la bourgeoisie, de constituer le gouvernement des conseils ouvriers.
16 avril 2014
Groupe marxiste internationaliste (section française du Collectif révolution permanente)