Des résultats calamiteux pour Hollande et son gouvernement
Les résultats des élections municipales des 23 et 30 mars signifient avant tout un profond rejet par la classe ouvrière et la jeunesse de la politique réactionnaire et entièrement dévouée aux intérêts des capitalistes qu’ont menée le président PS Hollande et le gouvernement PS-EELV-PRG.
Les partis UMP-UDI-Modem et apparentés gagnent 142 villes de plus de 10 000 habitants et renforcent leurs positions partout. La crise récurrente qui minait l’UMP s’estompe.
Les partis PS, EELV et PRG qui constituent la majorité parlementaire du gouvernement perdent 153 villes de plus de 10 000 habitants. Le FN obtient 10 villes de plus de 10 000 habitants, la mairie du 7e arrondissement de Marseille avec 140 000 habitants et au total 1 496 conseillers municipaux.
Le vote pour le FN marque l’impact sur une partie de la bourgeoisie, une partie croissante des petits capitalistes, de la petite bourgeoisie salariée et indépendante ainsi que sur une partie de la classe ouvrière déboussolée, des campagnes chauvines, des persécutions contre les travailleurs immigrés, du « produisons français » et du patriotisme économique qui sont avancées de tous côtés, du PCF au FN, comme la solution à la crise.
Les travailleurs rejettent les partis qui constituent le gouvernement…
C’est volontairement que des millions de travailleurs et jeunes ont refusé d’apporter leur voix aux candidats du Parti socialiste, avec une abstention massive, qui atteint nationalement 38 %, dépasse souvent 50 %, voire 60 % dans les villes et quartiers ouvriers. À l’échelle nationale, 49 % des ouvriers, 44 % des employés et 33 % des professions intermédiaires ne sont pas allés voter.
En effet, c’est en toute connaissance de cause que Hollande a constitué dès son élection en 2012 un gouvernement bourgeois et a mené une politique bourgeoise : acceptation des licenciements, interventions impérialistes au Mali et en Centrafrique, poursuite du démantèlement de la protection sociale, baisse des impôts et cotisations sociales des capitalistes, destruction des bidonvilles des Roms accusés par Valls d’être « inassimilables ».
C’est en toute connaissance de cause que le Parti socialiste a soutenu sans faillir la politique anti-ouvrière de Hollande, qu’il a constitué des listes avec des partis bourgeois, qu’il a appelé au deuxième tour de ces élections à voter UMP, Modem ou UDI dans de nombreuses communes au nom du « front républicain. »
Comme c’est en toute connaissance de cause que le Parti communiste français et le Parti de gauche veulent faire croire qu’on peut sortir de la crise par le protectionnisme, l’accentuation du déficit de l’État, le retour à une meilleure répartition des richesses et autres fadaises pour ne pas remettre en cause le capitalisme français en crise qui saigne les travailleurs chaque jour un peu plus. C’est en toute connaissance de cause que le PCF est entré dans des listes avec les partis au pouvoir. C’est en toute connaissance de cause que le PdG a refusé toute liste avec le PS (qui ne fait pas autre chose aujourd’hui que ce qu’a fait le gouvernement Jospin avec les ministres PCF et Mélenchon), tout en se présentant parfois avec EELV qui est tout autant au gouvernement et n’a rien à voir avec la classe ouvrière.
…comme ils rejettent le soutien des directions syndicales au gouvernement
C’est en toute connaissance de cause que toutes les directions syndicales se prêtent chaque jour au « dialogue social », c’est-à-dire acceptent de négocier les exigences des patrons et du gouvernement à son service. C’est en toute connaissance de cause qu’elles appellent en même temps à des « journées d’action » impuissantes, avec l’appui du PCF, du PdG, du NPA et de LO.
Le 5 mars, la CFDT et la CFTC ont signé avec le patronat un relevé de conclusions achevant la première étape des négociations sur le pacte de responsabilité. Contre 30 milliards d’euros d’allègements sonnants et trébuchants de cotisations familiales pour les patrons, sous forme de transfert au budget de l’État, ce relevé de décisions demande « aux branches professionnelles, dès lors que la trajectoire de baisse des prélèvements sociaux et fiscaux sera précisément définie par les pouvoirs publics, d’ouvrir des discussions en vue d’aboutir à un relevé de conclusions, ou des négociations en vue d’aboutir à un accord, précisant des objectifs quantitatifs et qualitatifs en terme d’emploi ». Pareil charabia n’a d’autre fonction que de masquer l’absolue vacuité de cet accord, hormis les 30 milliards pour les patrons.
Les directions de la CGT et de FO, et même de la CFE-CGC qui a récemment changé d’avis, dénoncent un « pacte de complaisance ». Mais qui a permis que ces négociations se tiennent, indispensables pour permettre à Hollande comme à Gattaz de parvenir à leurs fins ? Pourquoi, alors que le 21 janvier Thierry Lepaon pour la CGT dénonce « le plan concocté par François Hollande et Pierre Gattaz, un cadeau supplémentaire au patronat de 30 milliards d’euros, une attaque de grande ampleur contre la protection sociale », annonce-t-il en même temps qu’il n’est question de discuter du comment mais du pourquoi, validant ainsi la participation de la CGT à cette mascarade ? Pourquoi le 28 février, après la première séance de négociations, déclare-t-il au Figaro : em>« Le président de la République signe son deal avec Pierre Gattaz, puis on nous demande de nous rencontrer entre organisations patronales et syndicales. Il nous siffle, et il faudrait qu’on arrive! On a l’impression d’être utilisés, c’est assez désagréable», mais assure aussitôt que son organisation ne pratiquera pas « la politique de la chaise vide » ?
Quant à FO qui parle de « vaudeville », de « discussion sur du vent » et cite Molière et son Tartuffe pour qualifier la fausse opposition des organisations signataires, elle-même a accompagné et participé tout autant à toutes les négociations de ce pacte. Imaginons un instant quelle aurait été la situation si la CGT et FO avaient, dès le départ, boycotté ces négociations sur les exigences du patronat, avaient appelé à la mobilisation générale pour les empêcher. Les directions de la CFDT et de la CFTC n’auraient eu alors aucune place pour négocier contre les travailleurs.
Le 18 mars, le dernier acte de cette sinistre farce se jouait par un appel de la CGT, FO, FSU et Solidaires à une journée d’action contre le pacte de responsabilité, pour l’emploi et les salaires, sans perspective et peu suivie.
Dans la nuit du 22 mars, après une négociation destinée à faire des économies dans le régime d’assurance chômage à laquelle toutes les directions syndicales ont participé, la CFDT, la CFTC et FO ont signé un accord avec le patronat lui permettant d’économiser 400 millions d’euros sur le dos des chômeurs, avec notamment une diminution du taux de remplacement, une augmentation du délai de versement des allocations, l’instauration d’une cotisation pour les personnes de plus de 65 ans.
Valls nommé Premier ministre, c’est l’accentuation de la guerre contre les salariés
La crise capitaliste de 2008-2009 a été surmontée à l’échelle mondiale, mais pas par le capitalisme français qui stagne depuis, sous la présidence de Sarkozy comme de Hollande. La bourgeoisie française est prise à la gorge. Elle veut se sauver en liquidant tous les acquis sociaux et en augmentant drastiquement le taux d’exploitation.
Le vendredi 28 mars, à la veille du deuxième tour, l’éditorialiste du quotidien patronal fixait le cap au nom de toute la bourgeoisie française.
Qu’importe les pancartes ! Il faudra avoir de l’autorité ! Les milieux économiques, Berlin, Bruxelles, attendent qu’il soit inflexible. Hollande, soyez Schröder !… Retraites, formation permanente, marché du travail… les réformes engagées l’ont été sur un mode très mineur. Si François Hollande s’engageait dans un réformisme radical, il reprendrait l’avantage politique, il serait le premier à moderniser le pays et à le mettre en accord avec les exigences du siècle. (Les Échos, 28 et 29 mars 2014)
Les autres bourgeoisies européennes s’impatientent aussi.
« La France a déjà obtenu un délai de grâce de deux ans, le travail reste à faire et nous espérons que le nouveau gouvernement reconnaîtra ses obligations », a affirmé le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem à l’issue d’un huis clos des ministres des Finances à Athènes. (Le Figaro, 1er avril 2014)
La nomination de Valls au poste de Premier ministre le lendemain des résultats des municipales répond idéalement à cette exhortation de la bourgeoisie. Elle signifie la poursuite et l’aggravation de la politique menée depuis 2012, quels qu’aient été les résultats électoraux, sans dévier d’un pouce de sa ligne réactionnaire, tant les intérêts supérieurs du capitalisme français priment sur toutes autres considérations, même électoralistes.
La mise en place du Pacte de responsabilité comme les 50 milliards de coupes à trouver dans les dépenses publiques sont réaffirmés comme les priorités essentielles du nouveau gouvernement. L’annonce d’une baisse éventuelle des cotisations sociales payées par les salariés aux plus faibles revenus n’est que poudre aux yeux.
Hollande, dans son allocution du 31 mars, affirme : « c’est un gouvernement de combat ». Mais il aurait dû préciser : de combat contre la classe ouvrière.
Les dernières béquilles de Hollande
Cependant les contradictions s’aiguisent : voilà un Président au lendemain d’une cinglante défaite électorale, rejeté comme aucun autre de la 5e République, privé de base politique, flanqué du ministre de la répression policière et de la chasse aux immigrés Manuel Valls qui prétend redoubler l’offensive contre les salariés.
Des millions de travailleurs et jeunes ont boycotté les élections comme ils désertent les journées d’action bidon. De quelle force politique dispose-t-il encore pour accomplir la mission que lui fixe la bourgeoisie, alors que les masses n’ont plus aucune illusion sur son compte ?
La force de l’appareil d’État bourgeois est certes conséquente, mais ce n’est pas elle qui empêche l’irruption des masses. Ceux qui retiennent les masses, les détournent du combat efficace, protègent Hollande, sa politique et son gouvernement sont les appareils politiques et syndicaux qui infectent le mouvement ouvrier. Faisant cyniquement le jeu du gouvernement (et, involontairement, du FN), la direction de la CGT implore « une augmentation des salaires et un plan de relance de l’emploi » (Communiqué, 2 avril) et détourne le mécontentement vers les « diktats de l’Union européenne » (Thierry Lepaon, Les Échos, 3 avril).
La racine du comportement des partis réformistes et des bureaucraties syndicales est qu’ils sont profondément liés à leur bourgeoisie et ne souhaitent aucunement la renverser. Exagération ? Voici ce que Thierry Le Paon, dirigeant du principal syndicat ouvrier, la CGT, déclare à la presse patronale :
Il n’existe à la CGT aucune opposition de principe face au patronat. L’entreprise est une communauté composée de dirigeants et de salariés – là encore, je regrette que les actionnaires fassent figures d’éternels absents – et ces deux populations doivent pouvoir réfléchir et agir ensemble dans l’intérêt de leur communauté. (Le Nouvel économiste, 21 février 2014)
Pour la rupture avec la bourgeoisie, pour la lutte de classe
Les travailleurs cherchent comment se défendre efficacement contre les attaques incessantes du capital et de l’État bourgeois, comment se rassembler contre la réaction, quel gouvernement mènera enfin une politique conforme aux intérêts de l’immense majorité de la population. Pour ouvrir une perspective politique, il faut se regrouper sur un programme de mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse, former les comités d’action pour imposer :
- À bas le pacte de responsabilité ! Dirigeants syndicaux, assez de dialogue social, rompez avec ce gouvernement de la bourgeoisie, appelez dans l’unité à la manifestation centrale à l’Assemblée nationale pour interdire le vote du pacte de responsabilité !
- Arrêt des licenciements ! Expropriation des entreprises qui licencient et de toutes les grandes entreprises ! Contrôle ouvrier sur les comptes, la gestion et la production !
- Embauche immédiate des chômeurs, partage du travail disponible, diminution du temps de travail, augmentation des salaires !
- Abrogation de toutes les réformes réactionnaires contre les retraites, contre la sécurité sociale, les hôpitaux publics, l’enseignement public, etc.
- Expropriation des banques, banque unique d’État sous contrôle ouvrier !
- Rapatriement immédiat de toutes les forces armées engagées en Afrique et ailleurs !
Les bons esprits, défenseurs de tout poil du capitalisme, se gausseront de telles revendications, tant elles leur paraîtront irréalistes. Mais leur réalisme au nom de la compétitivité pour la bourgeoisie française, c’est l’acceptation des reculs incessants, du chômage, des petits boulots, des salaires de misère, de l’absence de toute perspective pour des millions de jeunes, de la déchéance pour toute une partie de la population. Même le simple maintien de l’état existant est désormais absolument incompatible avec la survie du capitalisme. Toute revendication sérieuse se heurte de plein fouet avec le capital et son État.
Pour empêcher les trahisons des partis sociaux-patriotes (PS, PCF, PdG) et des chefs syndicaux, il faut que l’avant-garde se regroupe et forge un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste, un parti pour mettre au cœur du combat de toute la classe ouvrière l’objectif d’en finir avec le capitalisme, de chasser le gouvernement de la bourgeoisie, de constituer le gouvernement des conseils ouvriers.