Lettre du Groupe Révoltes au GMI

Chers camarades,
Nous avons bien reçu votre “invitation” à discuter avec vous ainsi que le groupe Hannibal-Neuvial et la tendance Claire.

Nous avons pris le temps d’en discuter au sein de notre groupe.

Si nous avons un passé commun avec vous, comme avec les militants du groupe Hannibal-Neuvial, il n’en demeure pas moins que de nombreuses divergences nous séparent encore. Nous avons tenté de mener avec vous des discussions pour résoudre ses divergences, nous avions même entamé une activité commune avec feu le CCI(T) en 2010 et sommes intervenus ensemble avec des camarades du groupe Hannibal-Neuvial lors du congrès de la CGT finances Publiques en mai 2010.

De ces expériences nous retirons des enseignements et une certaine amertume. Le groupe Neuvial nous a claqué la porte au nez sans réelles explications après le congrès alors que nous leur proposions une discussion entre orga, et le peu « d’arguments » avancés ne semblaient pas de nature à justifier une rupture.

Le travail commun avec le CCI(t) en 2010 a permis de sortir non sans mal 3 tracts entre septembre et octobre. Nous avons lancé une initiative de pétition et défilé ensemble sous la même banderole dans les manifestations lyonnaises. Mais avec le recul notre groupe considère que nous nous trompions au moins sur un point capital : à l’image de l’inscription sur la banderole nous étions dans une position de supplique envers les appareils et ne nous adressions pas aux masses. On pouvait lire dessus “dirigeants appeler à la grève générale”. Comme nous l’enseigne S. Just (Cf. la brochure “le travail dans les syndicats”) ce ne doit pas être la ligne des trotskystes.

Concernant les discussions avec le Groupe Bolchévique (GB) et le CCI(t), le GB a usé de procédés pour le moins indignes de militants ouvriers lors d’une rencontre tripartite à Lyon. Nous tenons à disposition de tous les camarades les éléments précis en ce qui concerne ces faits. Visiblement le GB avait la volonté de couper court à toute discussion avec notre groupe et semblait avoir des visées sur le CCI(T) et nous ne devions pas faire ombre à cette démarche. L’attitude du camarade Valentina  a été telle qu’elle interdisait toute possibilité de poursuivre une discussion sereine entre nos organisations dans le but de résorber les divergences.

Aujourd’hui nous comprenons très bien que des camarades en votre sein s’interrogent sur l’apparente proximité de nos groupes et leurs faiblesses numériques et poussent à un regroupement.

Mais ce regroupement ne peut avoir lieu que sur un programme, une orientation commune.

L’histoire du mouvement ouvrier et plus particulièrement celle des trotskystes (en France comme à l’internationale) montre clairement que les regroupements sans principe, de façade, ne tiennent pas la distance. A la 1ère expérience concrète dans la lutte des classes, le regroupement explose et par là, finit de décourager de nombreux militants. Si ce que l’on cherche vraiment est la consolidation de nos positions et le renforcement du mouvement trotskyste en France il convient donc avant tout de se mettre d’accord sur l’orientation.

Or la méthode qui organise votre démarche aujourd’hui semble exempte de ces considérations. Vous nous transmettez un texte déjà abouti que nous devrions parafer ou, à défaut, être condamnés « d’irresponsables » « devant l’avant-garde nationale et internationale » (est-ce avec cette humilité que vous vous considérez ?)

Si formellement dans votre mail « d’invitation » vous proposez de discuter à partir de cette plate-forme, dans les faits cela ne peut fonctionner ainsi : vous imposez un cadre avant même toute discussion et de plus ce texte ne nous parait pas amendable.

Il représente selon nous, et c’est en même temps compréhensible au vu de votre ligne politique traditionnelle, la négation de la praxis marxiste. En effet, votre texte et votre analyse ne partent pas des rapports existants aujourd’hui entre les classes, ne partent pas de la lutte des classes, de l’état de la classe ouvrière au plan international et en France. Ce texte aligne les grands principes sans aucun mot d’ordre transitoire, sans aucune revendication sérieuse. Il plaque des formules issues de périodes historiques totalement différentes sur la nécessité d’aller au socialisme, à la révolution prolétarienne, mais ne dit pas un mot sur le comment, ici et maintenant.

De même votre texte expose jusqu’aux modalités de votes au sein du regroupement et appelle cela la démocratie ouvrière : vote à bulletin secret de la direction ! Mais même le Congrès américain est plus démocratique.

Vous comprendrez que les conditions minimales ne sont pas remplies pour ouvrir une discussion qui nécessiterait au préalable d’identifier les divergences théoriques et pratiques – ainsi qu’une méthode pour tenter de les résorber. Ce texte avec lequel nous sommes en désaccord ne peut constituer ce socle.

Trotsky que vous aimez particulièrement citer expliquait ceci dans le Programme de Transition :

« Sous l’influence de la trahison et de la dégénérescence des organisations historiques du prolétariat, naissent ou se régénèrent, à la périphérie de la IV° Internationale, des groupements et des positions sectaires de différents genres. Ils ont à leur base le refus de lutter pour les revendications partielles ou transitoires, c’est-à-dire pour les intérêts et les besoins élémentaires des masses telles qu’elles sont. Se préparer à la révolution signifie, pour les sectaires, se convaincre soi-même des avantages du socialisme. Ils proposent de tourner le dos aux « vieux » syndicats, c’est-à-dire à des dizaines de millions d’ouvriers organisés – comme si les masses pouvaient vivre en dehors des conditions de la lutte de classes réelle ! Ils restent indifférents à la lutte qui se déroule au sein des organisations réformistes – comme si l’on pouvait conquérir les masses sans intervenir dans cette lutte ! Ils se refusent à faire en pratique une différence entre la démocratie bourgeoise et le fascisme – comme si les masses pouvaient ne pas sentir cette différence à chaque pas !
Les sectaires ne sont capables de distinguer que deux couleurs : le blanc et le noir. Pour ne pas s’exposer à la tentation, ils simplifient la réalité. Ils se refusent à faire une différence entre les camps en lutte en Espagne, pour la raison que les deux camps ont un caractère bourgeois. Ils pensent, pour la même raison, qu’il est nécessaire de rester neutre dans la guerre entre le Japon et la Chine. Ils nient la différence principielle entre l’URSS et les pays bourgeois et se refusent, vu la politique réactionnaire de la bureaucratie soviétique, à défendre contre l’impérialisme les formes de propriété créées par la révolution d’Octobre.
Incapables de trouver accès aux masses, ils les accusent volontiers d’être incapable de s’élever jusqu’aux idées révolutionnaires.
Un pont, sous la forme de revendications transitoires, n’est aucunement nécessaire à ces prophètes stériles, car ils ne se disposent nullement à passer sur l’autre rive. Ils piétinent sur place, se contentant de répéter les mêmes abstractions vides. Les événements politiques sont pour eux une occasion de faire des commentaires, mais non d’agir. Comme les sectaires, de même que les confusionnistes et les faiseurs de miracles de toutes sortes, reçoivent à chaque instant des chiquenaudes de la part de la réalité, ils vivent dans un état d’irritation continuelle, se plaignent sans cesse du « régime » et des « méthodes », et s’adonnent aux petites intrigues. Dans leurs propres milieux, ils exercent d’ordinaire un régime de despotisme. La prostration politique du sectarisme ne fait que compléter, comme son ombre, la prostration de l’opportunisme, sans ouvrir de perspectives révolutionnaires. Dans la politique pratique, les sectaires s’unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme.
La majorité des groupes et cliques sectaires de ce genre, qui se nourrissent de miettes tombées de la table de la IVe Internationale, mènent une existence organisationnelle « indépendante », avec de grandes prétentions, mais sans la moindre chance de succès. Les bolcheviks-léninistes peuvent, sans perdre leur temps, abandonner tranquillement ces groupes à leur propre sort. »

Nous vous adressons en pièce jointe notre bulletin n°26 du mois d’octobre 2013. Nous vous proposons de continuer à échanger nos publications et nous espérons que la lutte des classes saura nous réunir dans la rue aux côtés des masses contre la bourgeoisie.

Fraternellement,
Pour le Groupe Révoltes,
Fred