Le Comité de liaison des centristes capitule devant l’islamisme

    Bloc-Notes
    
La révolution à la sauce de la FLTI-QI, de la TICR et du CLC : la coalition de front uni anti-impérialiste qui a pris Idlib en 2015 regroupait Ahrar Al-Sham (drapeau de gauche), l’ASL (drapeau du centre) et Al-Nosra (Al-Qaïda en Syrie, drapeau de droite). Dans cette ville, comme à Alep, les islamistes imposent leurs tribunaux, arrêtent, emprisonnent et exécutent les opposants, les prêtres chrétiens, les Kurdes, les homosexuels et les adultérins (voir Amnesty International, 4 juillet 2016 ; http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Crises-et-conflits-armes/Actualites/Syrie-des-horreurs-commises-par-des-groupes-armes-18744?prehome=0)

Une provocation envers la conférence du GMI

Le Comité de liaison des communistes (CLC) regroupe des organisations se réclamant du trotskysme dans plusieurs pays (CWG de Nouvelle-Zélande, CWG des États-Unis, RWG du Zimbabwe…).

Le groupe néo-zélandais dirigé par Brown avait pendant dix ans approuvé et répandu les délires tiers-mondistes (camouflés en « révolution permanente ») de la secte moréniste LOI d’Argentine et de la FLTI, un petit courant international qui voit des révolutions partout (récemment en Ukraine et en Syrie). Sur commande de son caudillo Munzer, le CWG NZ avait attaqué publiquement, en 2003, Lucha Marxista du Pérou (accusé d’être « polpotiste ») et, en 2004, le Groupe bolchevik de France (comme « pro-impérialiste »). Plus tard, le groupe américain (qui s’appelait alors HWRS), en rejoignant en 2009 la FLTI-QI, avait aussi repris la même calomnie contre le GB. Tous ces groupes ont été exclus en 2013 de la FLTI-QI par Munzer pour une prétendue capitulation devant l’impérialisme. Les HWRS-CWG ont alors reconnu qu’ils ne parlaient pas le français et que, à la relecture, leur interprétation des positions du GB de 2009 était fausse. Par contre, même après sa scission d’avec la secte argentine, jamais le CWG néo-zélandais n’a fait la moindre autocritique sur ses accusations envers les communistes internationalistes du Pérou et de France.

Avec patience, prenant acte de la rupture avec Munzer et de l’appellation de ce nouveau regroupement, le Collectif révolution permanente (CoReP), dont le but est de regrouper les communistes internationalistes du monde entier pour construire l’internationale ouvrière révolutionnaire, l’a plusieurs fois contacté après son apparition. En septembre 2015, le bureau international du CoReP a envoyé au CLC son projet de plateforme internationale et, en novembre 2015, un projet sur le Proche-Orient en proposant une rencontre à Paris à l’occasion de la 3e conférence du Groupe marxiste internationaliste (la section française du CoReP) en mars 2016. En novembre 2015, la direction nationale du GMI a invité le CLC et tous les groupes qui en font partie à sa conférence. Le CLC a accepté d’y participer en envoyant une contribution politique sur les possibilités de rapprochement (28 février 2016). Mêmes si celle-ci ne prenait en compte aucune résolution du CoReP, ni le projet de plateforme, mais reposait sur des préjugés et des impressions, le CoReP a répondu en détail (19 mars 2016).

La veille de la conférence du GMI, le 25 mars 2016, le bureau du CoReP a rencontré la délégation du CLC (un dirigeant du CWG des États-Unis, l’unique militante du Brésil). À cette occasion, les porte-parole du CLC ont réduit les divergences à l’analyse de la situation en Syrie (le CLC soutenant qu’une révolution s’y approfondit ; le CoReP pensant que la contre-révolution régionale et locale a écrasé le début de révolution). Une différence d’analyse sur la conjoncture d’un pays (dans lequel ni le CoReP, ni le CLC ne sont présents) fait partie des débats normaux entre communistes internationalistes et est compatible avec l’appartenance à une même organisation internationale.

Le lendemain 26 mars, devant les militants abasourdis (dont certains agissent sous le drapeau du trotskysme depuis plus de 40 et même de 50 ans, dont d’autres sont nés en Algérie ou en Turquie), Christopher Clark a lu, en anglais, une longue déclaration remplie de digressions qui caractérisait, en passant, le CoReP comme faisant partie de la « gauche impérialiste ».

Le jour-même et le lendemain 27 mars, le bureau du CoReP a plusieurs fois rencontré les représentants du CLC pour leur demander le retrait de la caractérisation du CoReP comme impérialiste. Après consultation de leurs correspondants américains et néo-zélandais, ils ont refusé, tout en restant incapables d’expliquer la nature sociale de la prétendue révolution syrienne, ni de nommer les forces politiques qui la dirigeraient.

Le CLC vient d’éclairer la véritable raison politique de sa rupture avec le Collectif révolution permanente. Évidemment, il ne s’agit pas d’une nuance d’analyse de la conjoncture. Il suffit de lire sa proclamation intitulée « Bas les pattes d’Alep : victoire pour la révolution syrienne ! » publiée sur sa revue Internet, Living Marxism (« Hands Off Aleppo: Victory to the Syrian Revolution! » https://livingmarxism.wordpress.com/2016/09/13/hands-off-aleppo-victory-to-the-syrian-revolution/). En réalité, le CLC préfère les contre-révolutionnaires islamistes aux communistes internationalistes.

Démocratie municipale ou dictature du prolétariat ?

Le CLC camoufle sa capitulation envers l’islamisme en inventant une révolution démocratique sans démocratie, une révolution permanente sans expropriation et des soviets sans parti ouvrier. La proclamation met « révolution » à chaque phrase, sans jamais dire en quoi elle consiste ni qui la conduit. Parfois, Brown reconnait qu’il ne s’agit pas d’une révolution permanente, qui prend un caractère socialiste. En effet, il la décrit comme d’une « révolution nationale » et « démocratique ».

La révolution est une révolution nationale démocratique authentiquement syrienne contre l’impérialisme… Les révolutions nationales arabes et kurdes…

Il pourrait donc y avoir d’authentiques révolutions nationales et démocratiques à l’époque de l’impérialisme. C’est un bien curieux trotskysme que celui du CLC.

La révolution chinoise, tout en étant une révolution bourgeoise-démocratique, est également une révolution de libération nationale dont la pointe est dirigée contre la domination de l’impérialisme. (Staline, Les Perspectives de la révolution en Chine, 30 novembre 1926)

De manière décousue et incohérente, la « révolution démocratique » façon Brown s’appuierait sur des « soviets » depuis 6 ans. Ces bizarres soviets sont apparus sans rôle de la classe ouvrière et sans parti ouvrier. C’est comme appeler vin une boisson faite sans raisin.

En Syrie après 5 ans de guerre civile où la révolution armée contrôle de grandes portions de la Syrie, la révolution n’a pas été vaincue. Contre tout ce que l’impérialisme étasunien et russe et leurs mandataires peuvent lui lancer, la révolution survit. Appelons-nous à un accord de paix avec l’impérialisme pour partitionner la Syrie et trahir cette révolution ? Non ! Déjà la révolution a construit de nouvelles institutions basées sur la démocratie populaire pour administrer le territoire qu’elle occupe. En d’autres termes voici la Révolution Permanente dans sa chair. Pour défendre les droits bourgeois immédiats de la vie et de la liberté d’expression, les travailleurs, paysans pauvres, vendeurs de rue etc., ont créé les droits ouvriers créés par leur lutte armée contre l’impérialisme « démocratique » et leur dictateur syrien Assad !

La façon dont le CLC les envisage, ce ne sont pas les conseils créés par la classe ouvrière et la paysannerie, où intervient un parti ouvrier révolutionnaire de type bolchevik. Il n’y a pas de double pouvoir, mais des institutions locales et municipales qui sont sous le contrôle de ceux qui ont les armes, les différentes milices bourgeoises anti-Assad et nationaliste kurde, sans aucun parti de la classe ouvrière.

Les opportunistes de tout poil invoquent facilement les glorieux exemples de l’histoire ouvrière. Le CLC dit ainsi « La situation est critique. Alep est notre Commune de Paris ». De même, tous les articles du site pro-impérialiste Linux Beach mis en lien dans la proclamation (voir ci-dessous) se terminent par « La Syrie est la Commune de Paris du 21e siècle ! ». Mais, lors de la Commune de Paris, le peuple s’est soulevé et a pris les armes contre les monarchistes alliés à l’envahisseur prussien.

Depuis la fin du 19e siècle, les époques révolutionnaires offrent un type supérieur d’État démocratique, un État qui, selon l’expression d’Engels, cesse déjà, sous certains rapports, d’être un État, « n’est plus un État au sens propre du terme». C’est l’État du type de la Commune de Paris, qui substitue à l’armée et à la police séparées du peuple l’armement direct et immédiat du peuple lui-même… C’est précisément un État de ce type que la révolution russe a commencé à créer en 1905 et en 1917. Une République des soviets de députés ouvriers, soldats, paysans, etc., réunis en assemblée constituante des représentants du peuple de Russie, ou en Conseil des Soviets, etc., voilà ce qui est en train de naître chez nous à l’heure actuelle, sur l’initiative des masses populaires qui créent spontanément une démocratie à leur manière. (Lénine, Les Tâches du prolétariat dans notre révolution, 10 avril 1917)

Hélas, il n’y a pas de soviet à Alep. Il n’y pas non plus de révolution démocratique en cours dans tout le pays. Au contraire, un véritable totalitarisme s’est abattu à partir de 2012 sur la majorité de la population, de la part du régime (appuyé par le régime clérical iranien et par l’impérialisme russe), de la part des islamistes de différentes obédiences (appuyés par les régimes cléricaux de Turquie et du Golfe et par les impérialismes américain, français et britannique). Et le règne des Frères musulmans ou des djihadistes (Daech, Fatah al-Cham, etc.), qui expulse les femmes de la vie publique, n’est certainement pas un progrès par rapport à la démocratie bourgeoise.

Pour une « république islamique non sectaire » ?

Dans ce texte, il n’est dit nulle part qu’en Syrie la classe ouvrière doit construire ses propres organisations indépendantes de la bourgeoisie (syndicats, comités, etc.), ni qu’il faut un parti ouvrier révolutionnaire. Voilà qui devrait étonner de la part d’un courant qui se prétend communiste. La solution politique, selon le CLC, consiste à d’expulser les mauvais dirigeants des bonnes organisations.

La seule façon de vaincre les impérialistes et tous leurs larbins est pour les hommes de troupe de l’ASL (Armée syrienne libre) et de l’YPG (Unités de protection du peuple kurde) de jeter dehors leurs commandants bourgeois et d’unir leurs forces démocratiques pour construire une fédération révolutionnaire des travailleurs qui permette la liberté ethnique et religieuse. Pour soutenir un tel front, les travailleurs internationalistes doivent combattre leurs maîtres impérialistes chez eux !

Pour ces curieux marxistes, l’ASL (éclatée, dominée par les Frères musulmans, liée aux gouvernements islamistes de Turquie et du Golfe, alliée de Fatah Al-Cham, armée par les États-Unis, combattant parfois plus les Kurdes que les troupes d’Assad) et les YPG (dirigées de haut en bas par le parti nationaliste kurde PYD-PKK, aidé jusqu’à présent par l’armée américaine) n’ont pas de nature de classe. D’ailleurs, ceux qui devraient conquérir ces organisations n’ont pas non plus de nature de classe : il s’agit seulement « d’hommes de troupe ». L’illusion n’est pas nouvelle, même si les chefs de l’IC qui ont conduit la révolution chinoise à l’échec en 1926-1927 en maintenant les communistes dans le parti nationaliste bourgeois se sentaient obligés, eux, de parler des classes sociales.

Il faut transformer de plus le Guomindang en une organisation élective des masses. Cela est possible et cela se fait à l’intérieur du Guomindang ; les ouvriers ne doivent cesser de déplacer vers la gauche le centre de gravité du Guomindang… il nous faut lutter pour nous emparer du Guomindang. (Boukharine, Les Problèmes de la révolution chinoise, avril 1927)

En fait, toute l’opposition à Assad est présentée comme intrinsèquement anti-impérialiste et révolutionnaire. Le CLC préfère fermer les yeux sur le soutien discret des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne à certains seigneurs de guerre, et celui bien plus ouvert de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar aux organisations islamistes des Frères musulmans et des djihadistes.

Les deux principaux faits concernant la résistance sont que premièrement, elle n’est pas significativement financée par les États-Unis ou leurs mandataires. Ce sont des combattants syriens, dont de nombreux ont fait défection de l’armée syrienne, pas des « terroristes » étrangers. Les « terroristes » sont le régime d’Assad et tous les mercenaires étrangers du Hezbollah aux Gardes Révolutionnaires Iraniens. De plus, les États-Unis ont bloqué l’approvisionnement de missiles Sol-Air (SAMS) aux rebelles, craignant une révolution qui ne s’arrêterait pas au renversement d’Assad, mais allumerait une insurrection arabe armée de la Tunisie au Bahreïn pour chasser l’impérialisme et ses dictateurs.

Le CLC inclut dans « la résistance » la section syrienne d’Al-Qaïda qui a récemment entrepris un ravalement de façade, cachant ses liens avec la maison mère, avec l’accord de celle-ci.

Ensuite, la résistance a été renforcée par des courants islamiques comme Al-Nosra (maintenant Jabhat Fatah Al-Cham), désignés par la Russie, les États-Unis comme « terroristes » parce qu’ils veulent un « État Islamique ». Cependant, c’est un État défini par Fatah Al-Cham comme une république islamique non-sectaire. C’est parce que la révolution est une révolution authentiquement syrienne, nationale et démocratique contre l’impérialisme qu’elle continue à gagner un soutien populaire et contrôler de larges portions du pays, refusant de signer un accord de cessez-le-feu qui permettrait à Assad de rester au pouvoir.

Les bons djihadistes « renforcent » la « résistance », ils font partie de la « révolution »  du CLC !

Notons la confiance accordée à la « république islamique non-sectaire » que promettraient ces djihadistes. Cela vaut les promesses de « démocratie » de Khomeiny en 1978, auxquelles tous les opportunistes, en particulier le SWP américain, accordèrent crédit : ayant lancé le lumpen fanatisé contre les organisations révolutionnaires, les femmes, les Kurdes dès 1978, pris le pouvoir en 1979 avec la tolérance de l’impérialisme américain et le soutien de quasiment tout le mouvement ouvrier (Tudeh, Fedayin, HKE, etc.), il fit massacrer en 1988 par milliers les militants ouvriers et des minorités nationales, dont ceux qui avaient levé courageusement le drapeau du trotskysme (HKS).

Rappelons que le CLC parle de la branche syrienne d’Al-Qaïda. Al-Qaïda a été fondée par Ben Laden, un capitaliste d’Arabie saoudite, avec l’appui initial de l’impérialisme américain pour lutter contre l’URSS, en Afghanistan. Il s’est retourné contre son maître, mais ses principales victimes ne sont pas des ministres et des généraux américains. Les morénistes comme la LOI et sa FLTI-QI soutiennent Al-Qaïda comme anti-impérialiste, mais cette organisation accuse tous les Juifs du monde de la colonisation sioniste, elle rend responsable tous les habitants (y compris les travailleurs) des pays impérialistes des méfaits de leur bourgeoisie et elle menace même les musulmans chiites. Ainsi, Al-Qaida s’en est pris à des lieux de culte d’autres religions au Pakistan (2002, 2010), en Tunisie (2002), en Turquie (2003), en Irak (2003, 2005, 2006, 2007, 2012) ; à des minorités nationales non arabes en Irak (2004, 2009) ; à des touristes en Indonésie (2002, 2005), au Kenya (2002), en Égypte (2004, 2005), en Jordanie (2005), en Mauritanie (2007), au Yémen (2008), au Pakistan (2008) et au Maroc (2011) ; à un événement sportif au Pakistan (2010) ; à une chaîne de télévision en Irak (2010) ; à des enfants juifs en France (2012) ; à des artistes en France (2015) ; à des médecins au Yémen (2002) et à des humanitaires en Jordanie (2003) et au Niger (2010) ; à des immeubles où travaillaient des milliers de salariés aux États-Unis (1993, 2001), à des travailleurs du transport maritime (2002), à une banque où travaillaient plusieurs dizaines de salariés en Turquie (2003), à des trains de banlieue en Espagne (2004) et en Inde (2006), à un transbordeur aux Philippines (2004) et à des métros en Grande-Bretagne (2005)…

Le but de Fatah al-Cham (Al-Nosra) est, comme pour Daech, la charia et le califat.

Les différences entre l’EI et Al-Qaïda, du moins au niveau de la direction, tendent à tourner plutôt autour de la tactique et la stratégie que des buts … Pour les deux, les aspirations restent un califat… Théologiquement, la pierre angulaire des campagnes armées des deux groupes est la doctrine du « tafkir » — jugeant les personnes ou les groupes semblant musulmans comme en fait non musulmans, permettant par là qu’ils soient impunément tués. (International Crisis Group, Exploiting Disorder: al-Qaeda and the Islamic State, 14 mars 2016, p. 26)

Contre l’impérialisme russe… mais pas contre l’américain ?

Le CLC met en avant un programme en quatre points.

Cela force tous ceux qui professent être des révolutionnaires à se manifester en défense de la révolution syrienne et à fournir une aide matérielle sur quatre fronts majeurs : (1) reconnaître que le régime est fasciste et doit être renversé et non apaisé par de faux accords impérialistes incluant des cessez-le-feu et/ou la partition de la Syrie ; (2) s’opposer aux factions bourgeoises se faisant passer pour la direction de l’ASL contre la révolution et remplacer cette direction par les combattants engagés à vaincre Assad et toutes les interventions impérialistes en Syrie ; (3) combattre les djihadistes qui veulent usurper les droits nationaux des Syriens, Irakiens et Kurdes pour former un État islamique bourgeois réactionnaire ; (4) démasquer et vaincre la fausse gauche qui se place directement ou indirectement du côté du régime d’Assad et/ou de l’impérialisme russe comme défendant la « démocratie » contre le « terrorisme ».

Le point 1 déclare que seul le régime Assad serait fasciste. Le CLC ne tire aucune leçon de la révolution et de la contre-révolution islamiste en Iran en 1978-1979. Il ferme les yeux sur les djihadistes, ces aventuriers qui fanatisent le lumpen contre le communisme, la démocratie et les minorités nationales, religieuses et sexuelles. Le but de ces derniers n’est pas un simple « État bourgeois » (point 3), mais un véritable totalitarisme qui écrase le mouvement ouvrier, tout autant que le régime d’Assad.

Notons au point 2 comment la combativité militaire remplace l’indépendance de classe du prolétariat. Ensuite au point 3, le CLC distingue subtilement les mauvais djihadistes (ceux qui veulent « un État islamique bourgeois réactionnaire ») des bons (ceux qui veulent « une république islamique non-sectaire »). Ce genre de communistes d’Internet doit bien faire rire les chefs islamistes. Qu’ils en profitent : un jour, les vrais communistes arabes et kurdes les renverront aux poubelles de l’histoire.

Le point 4 ancre un lien vers un article du site internet Linux Beach (http://claysbeach.blogspot.fr/2016/08/amy-goodman-should-adress-this.html) qui affirme qu’en ne mettant pas en œuvre sa promesse d’intervenir militairement en Syrie si le régime faisait usage d’armes chimiques, Obama a provoqué un effet dévastateur dans la région ; ensuite l’article reproche à l’organisation pacifiste américaine Democracy Now sa campagne contre une intervention militaire des États-Unis. Ainsi, le CLC dénonce les amis de l’impérialisme russe, mais veut bien s’associer avec les partisans d’une intervention militaire de l’impérialisme américain ! S’opposer aux bombardements d’Alep est juste, mais il faut s’opposer aussi à ceux de Mossoul en Irak.

La charia rebaptisée « révolution permanente »

Pour la Ligue des communistes, la révolution en permanence signifiait que le prolétariat doit rester indépendant non seulement de la bourgeoisie démocratique, mais de la petite-bourgeoisie :

Les travailleurs allemands contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu’ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner — par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques — de l’organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : la révolution en permanence ! (Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes, mars 1850)
Le but de l’association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu’à la réalisation du communisme, qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine.(Statuts de la Société universelle des communistes révolutionnaires, avril 1850)

Pour la 4e Internationale, la révolution permanente voulait dire qu’il n’y a plus de révolution démocratique séparée par toute une période de la révolution socialiste, que seule la classe ouvrière peut mener une révolution à l’époque de l’impérialisme et que cette révolution devient forcément internationale et socialiste :

Quelles que soient les premières étapes épisodiques de la révolution dans les différents pays, l’alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie n’est concevable que sous la direction politique de l’avant-garde prolétarienne organisée en parti communiste. Ce qui signifie à son tour que la victoire de la révolution démocratique n’est concevable qu’au moyen de la dictature du prolétariat qui s’appuie sur son alliance avec la paysannerie et résout, en premier lieu, les tâches de la révolution démocratique. (Trotsky, Thèses sur la révolution permanente, novembre 1929)

Les chefs du CLC sont des faussaires. Ils se gargarisent d’une « Révolution Permanente » sans aucune expropriation, sans intervention des travailleurs et sans parti ouvrier révolutionnaire. Selon eux, elle peut même être confiée à des djihadistes.

Cette contrefaçon ne se présente pas comme la politique consciente de la classe ouvrière, donc d’un parti ouvrier révolutionnaire ; elle semble surgir spontanément, comme des pâquerettes fleurissant sur une prairie. En cela, le CLC accentue de manière grossière l’opportunisme des liquidateurs de la 4e Internationale des années 1950. Pablo et Mandel, rejoints dans les années 1960 par Hansen et Moreno, envisageaient que la lutte des masses transformerait les organisations nationalistes bourgeoises ou staliniennes en véritables forces révolutionnaires, dont les dirigeants deviendraient des « trotskystes inconscients ». En fait, ces révisionnistes du trotskysme capitulaient devant la bureaucratie stalinienne qui tentait d’empêcher la révolution mondiale tout en trouvant des alliées dans la bourgeoise arabe naissante.

Aujourd’hui, l’opportunisme prend un aspect encore plus lamentable et réactionnaire, car la bourgeoisie arabe, que ce soit sa fraction issue du panarabisme faussement « socialiste » ou sa fraction cléricale ouvertement anticommuniste, n’a plus rien à apporter aux masses. Marx a écrit un jour que la tragédie se répète parfois en farce. La « révolution » du CLC est la reprise, à une échelle dérisoire et d’une manière caricaturale, de l’illusion de la révolution par étapes et de la capitulation envers les classes dominantes arabe, perse, turque et kurde. Brown et ses adjoints appellent « révolution » tantôt les bavardages d’une poignée de petits-bourgeois démocrates qui appellent les puissances impérialistes occidentales à leur secours, tantôt la contre-révolution menée par les fascistes cléricaux.

Moralité

L’explication de la calomnie envers les communistes internationalistes réside dans l’opportunisme envers son propre impérialisme et dans la complaisance envers la contre-révolution arabe.

Ceux qui confondent charia et bolchevisme, qui prétendent que des djihadistes « renforcent » la « révolution permanente » et qui accréditent auprès des travailleurs leur « République islamique » ne sont pas une avant-garde mais une arrière-garde qui n’apprend rien de l’histoire et qui ne peut conduire la classe ouvrière qu’à des défaites.

La révolution sociale en Syrie et au Proche-Orient passe par la rupture avec la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, par la construction d’un parti ouvrier. Seule la mobilisation des travailleurs peut imposer les libertés démocratiques, l’égalité des femmes, la séparation des religions et de l’État, les droits des minorités nationales et religieuses, l’armement du peuple par lui-même. En prenant la tête de tous les opprimés et exploités, la classe ouvrière ne se limitera pas à la révolution démocratique, elle réalisera le contrôle des travailleurs sur la production et la répartition, la création de conseils ouvriers et populaires, l’expropriation des propriétaires fonciers et des grands capitalistes, un gouvernement ouvrier et paysan, la fédération socialiste du Machrek.

2 octobre 2016
Bureau du Collectif révolution permanente