Extrait de l’édito de RC 8 sur la négociation des seuils sociaux et le collectif 3A, 19 novembre 2014

Hollande et Valls poursuivent leur politique anti-ouvrière grâce à tous les partis et aux directions syndicales

D’un côté, la bourgeoisie française est bien décidée à forcer l’allure, sa situation l’exige et le Medef le rappelle tous les jours. Mais de l’autre, sa monture, entendez Hollande, qui s’est totalement discrédité auprès de la classe ouvrière et de la jeunesse, n’est pourtant pas le fougueux destrier dont elle rêve et dont elle a besoin. Au-delà du personnage, il y a un problème : la fragilité politique du gouvernement. Après avoir le plus largement possible ouvert la route au MEDEF, Hollande s’est en quelque sorte usé avant l’heure. Dans une véritable fuite en avant, il s’appuie de plus en plus sur les Macron et les Valls, parfaitement interchangeables avec leurs équivalents de l’UMP.

Même les scandales de l’UMP deviennent, grâce à la proximité de Fillon avec Jouyet , le secrétaire général de l’Élysée et aussi un ancien ministre de Sarkozy-Fillon, un coup supplémentaire pour Hollande. D’où d’un côté l’apparition des députés « frondeurs » soutenus par Aubry, qui se gardent bien de voter contre les budgets, et de l’autre l’appel de Valls à faire un nouveau parti qui ne serait plus le Parti socialiste, parti ouvrier bourgeois, mais plutôt le Parti démocrate à l’italienne, parti bourgeois tout court.

Cependant, la bourgeoisie française qui piaffe ne peut chasser Hollande avant l’heure : d’une part Hollande lui rend tout de même bien des services, d’autre part la représentation politique de la classe dominante, du MoDem au FN, ne veut pas jouer à l’apprentie sorcière en mettant en cause la 5e République et son pivot, la présidence.

Le Front de gauche tente de faire patienter les travailleurs mécontents jusqu’à 2017 avec les exutoires de la « révolution citoyenne », de la « révolution fiscale », de la « 6e République » bourgeoise.

Les combattants pour la démocratie, à notre époque, ne peuvent pas plus être considérés comme des révolutionnaires qu’un épicier en faillite comme un prolétaire. (Trotsky, Paralysie progressive, juillet 1939)

Leur dernière diversion a été la manifestation du 15 novembre appelée par le « Collectif 3A » (PCF, PdG, NPA…). L’appel bavarde sur une « politique imposée sans débat » alors que certains de ceux qui le signent participent justement, comme élus, aux débats à l’Assemblée nationale, au Sénat ou, comme bureaucrates syndicaux, à la négociation de cette politique.

La voie royale utilisée depuis longtemps, tant par Sarkozy que par Hollande, pour faire passer les attaques, le « dialogue social », ne trouve plus complètement grâce aux yeux de la bourgeoisie, trop long : « un bilan insuffisant, des compromis boiteux » disent Les Échos du 8 octobre, « un vrai accord, sinon rien ». Les bureaucraties syndicales sont prêtes à négocier un « vrai accord », mais il n’est pas sûr que le prolétariat les laissera faire.

La diversion de la journée d’action du 16 octobre

Le complément de la participation des sommets syndicaux aux attaques contre la classe ouvrière est la soupape des prétendues journées d’action auxquelles est conviée la base. La dernière en date était convoquée le 16 octobre. Elle a été squelettique.

D’habitude, LO et le NPA enjoignent aux travailleurs d’obéir au doigt et à l’œil aux consignes de la bureaucratie de la CGT. Mais cette fois-ci, LO a senti opportun de prendre un peu de distance avec cette « journée d’action » sans écho, d’autant que le secrétaire général est contesté dans l’appareil (comme en témoignent les révélations sur le montant des travaux de son logement de Vincennes : 130 000 euros aux frais du syndicat, selon Le Canard enchaîné).

Au lieu de dénoncer le gouvernement Hollande comme le bras du patronat, la CGT par la voix de Lepaon continue à entonner le refrain frelaté d’une autre politique de gauche ! Elle tourne le dos à ce qui serait le rôle d’une véritable direction ouvrière, dire la vérité sur ce gouvernement pour préparer la riposte. (Lutte ouvrière, 12 septembre 2014)

Que faisait LO à la tribune du rassemblement du 1er décembre 2013 « pour une révolution fiscale » appelé par le PCF et le PdG, sinon cautionner le « refrain frelaté d’une autre politique de gauche » ?

La critique de LO reste limitée : la tâche d’une « véritable direction ouvrière » se limiterait à « dire la vérité », et cette vérité se bornerait à dévoiler que Hollande est « le bras droit du patronat ».

Mais si Hollande est le bras droit du patronat, Lepaon est son bras gauche. Et il ne faut pas seulement le dire, il faut combattre la bureaucratie corrompue dans la CGT et dans les assemblées générales, exiger la rupture des organisations syndicales avec le gouvernement et le patronat, la préparation de la grève générale contre le gouvernement Hollande et le patronat, ouvrir la perspective d’un gouvernement ouvrier et des États-Unis socialistes d’Europe.

La direction CGT avalise la suppression des délégués du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés

Le patronat veut supprimer l’obligation d’un délégué du personnel passé 10 salariés. (Les Échos, 29 octobre 2014)

Alors que le gouvernement Valls annonce des coupes claires dans la sécurité sociale et les dépenses publiques, entend baisser les seuils sociaux, étendre le travail le dimanche, vise les chômeurs… tous les appareils syndicaux négocient ces mesures, voire les préparent, et pas seulement la CFDT.

Afin de parvenir à une « représentation collective universelle », la CGT innove en proposant d’abord, pour l’ensemble des sociétés de moins de 50 salariés, de rendre obligatoire l’organisation d’élections de délégués du personnel dès lors que deux salariés le demandent. Deuxièmement, les salariés des entreprises de même taille, qui ne veulent ou ne peuvent (la pression patronale pouvant être dissuasive) avoir de délégués dans leur propre boîte, pourraient élire, une fois tous les quatre ans, sur liste syndicale, des représentants à l’échelle d’un territoire. (L’Humanité, 14 novembre 2014)

En termes plus clairs, les chefs de la CGT ont proposé le 13 novembre, dans le cadre des négociations sur « le dialogue social », de supprimer l’obligation de l’élection des délégués du personnel dans les entreprises entre 11 et 50 salariés.

Le patronat se frotte les mains : parvenir à se débarrasser du droit à des délégués du personnel élus, agissant dans l’entreprise et donc en partie contrôlés par les travailleurs, une aubaine apportée sur un plateau par la direction de la CGT !