L’intervention militaire française aggrave le chaos en Centrafrique

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À son intronisation, Hollande avait annoncé, comme Sarkozy avant lui, que c’en était fini de la « Françafrique ». Depuis, il y a eu l’intervention militaire au Mali, puis celle en République Centrafricaine. En décembre 2013, alors qu’il venait de porter les troupes présentes sur le sol centrafricain de 400 à 1 600 soldats, avec l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU, Hollande déclara : « La France n’a pas d’autres objectifs que de sauver des vies humaines ». Le 25 février 2014, l’Assemblée nationale (428 pour, 14 contre) et le Sénat (327 pour, 3 contre) approuvaient l’intervention. Ce fut le cas des députés du PS, du PCF et du PdG.

En réalité, ce ne sont pas les droits de l’homme qui font souci aux représentants de la bourgeoisie française, mais bien le maintien de l’ordre dans le continent et le contrôle du sous-sol riche en uranium, or, diamants et pétrole dont profitent les capitalistes français.

Au moment des indépendances africaines, la France a transféré le pouvoir aux élites les plus favorables à une continuation du système colonial. Aujourd’hui, les groupes au pouvoir restent connectés à la France par la persistance du modèle économique, fondé sur l’extraction des ressources naturelles. Ces ressources, non valorisées localement, sont achetées à un prix très inférieur à celui du marché mondial. En échange, les élites africaines reçoivent une rente réexportée en Europe sous la forme de comptes bancaires ou de biens immobiliers. Pis, ces élites ont un modèle de consommation qui ne favorise pas la production locale. Tout cela laisse la population exsangue, et la jeunesse face à une alternative : rejoindre les rébellions, les mouvements djihadistes ou évangéliques, ou émigrer. (Ibrahima Thioub, Le Monde, 1er avril 2014)

C’est pourquoi l’impérialisme français soutient le coup d’État de François Bozizé en 2003. Le chef de l’état-major était loin d’être un démocrate : il avait réprimé les manifestations lycéennes en 1979 et les mutineries de 1996 et de 1997 avec l’aide de l’armée française. Il est élu en 2005 avec plus de 64 % des voix, non sans fraudes. La situation se détériore à partir du début de l’année 2006 et l’armée régulière ainsi que la garde présidentielle exécutent, torturent, assassinent. À la fin de l’année 2006, les estimations font déjà état de 150 000 déplacés.

Le président Bozizé prête l’oreille à l’impérialisme chinois qui prend ainsi position dans le pétrole et installe Radio Chine internationale à Bangui. Pour l’impérialisme français, c’en est trop. Il refuse d’aider Bozizé confronté aux rebelles de la Séléka menés par Michel Djotodia qui s’emparent le 24 mars 2013 du palais présidentiel.

Avant la guerre civile, chrétiens et musulmans vivaient en bonne intelligence. Mais les bandes de la Séléka s’en prennent systématiquement aux civils « chrétiens » sans défense. Sous ce prétexte, le 26 novembre, Hollande envoie un corps expéditionnaire. La situation se renverse, des milices anti-balaka, qui se présentent comme chrétiennes, sont composées d’une partie du lumpen prolétariat et de partisans de Bozizé et prétendent défendre la population contre la Séléka. Elles attaquent, pillent, violent, assassinent les civils « musulmans », parfois avec la participation des soldats de l’armée officielle qui est formée par l’armée française.

La Centrafrique traverse une crise humanitaire sans précédent, avec des centaines de milliers de déplacés fuyant les violences. Ces violences ont contraint à l’exode des dizaines de milliers de musulmans, de régions entières du pays, pourchassés par les miliciens majoritairement chrétiens anti-balaka, amenant Amnesty International à dénoncer un « nettoyage ethnique ». (Jeune Afrique, 5 avril 2014)

La situation sociale est dramatique : un million de déplacés, 500 000 réfugiés, la moitié de la population survit à peine. La présidente de transition Catherine Samba-Panza, élue par 75 des 135 membres du Parlement intérimaire, a beau avoir versé un mois de salaire aux fonctionnaires, il reste cinq mois d’arriérés. En même temps, dans l’ouest, les bandes de la Séléka poursuivent leurs exactions contre les civils chrétiens désarmés et la situation échappe au contrôle du gouvernement.

Le président tchadien menace de retirer ses troupes de Centrafrique, tandis que le parlement allemand décide l’envoi de 250 soldats au Mali.

Berlin n’entend pas laisser à Paris le leadership de la relation avec l’Afrique. (Le Monde, 1er avril 2014)

L’intervention militaire impérialiste, quelle que soit la bourgeoisie à son origine, perpétue le capitalisme et la domination étrangère qui déstabilisent le continent. Elle n’offre aucune protection aux populations, comme le rappelle l’anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, opéré en 1994 en présence de l’armée française, voire avec sa complicité.

Le mouvement ouvrier français devrait exiger le retrait des troupes françaises du Mali et de la Centrafrique, la fermeture des bases militaires françaises, l’expropriation des groupes capitalistes français qui pillent l’Afrique.

Pour l’avenir des populations africaines, il n’est que la perspective des États-Unis socialistes d’Afrique par la révolution ouvrière et paysanne pour arracher le pouvoir aux bourgeoisies compradores. Pour y parvenir, la reconstruction d’une internationale ouvrière, la construction d’un parti communiste révolutionnaire en Centrafrique et dans chaque État sont indispensables.

7 avril 2014