37e congrès du PCF : Pour un « Front populaire et citoyen »

TelegramWhatsappTwitter Facebook

Seuls les chiffres sont dans le rouge

Depuis le dernier congrès du Parti communiste français (2013), les chiffres officiels sont passés de 64 000 cotisants à 52 000 et de 34 000 votants à 29 000. Le texte d’orientation présenté par la direction et défendu par Pierre Laurent est minoritaire dans les 5 fédérations (Pas-de-Calais, Nord, Seine-Maritime, Paris, Bouches-du-Rhône) qui comptent le plus d’adhérents (entre 1 200 et 4 000) ; au contraire, 10 des 23 départements dans lesquels il fait ses meilleurs scores (plus de 64 %) correspondent à des secteurs de faible implantation (entre 50 et 350 adhérents). À l’échelle nationale, il s’assure une très courte majorité (51,2 %) qui témoigne des dissensions entre les courants cristallisés autour des cinq textes soumis au vote et qui a obligé la direction du PCF à remettre à plus tard les décisions que le congrès, tenu du 2 au 5 juin à Aubervilliers, était censé trancher.

Elles portent sur la façon la plus efficace de sauver les meubles lors des élections de 2017, préoccupation qui cimente tous ces réformistes.

Primaire ou pas ?

Ce fut d’abord un « oui » enthousiaste de la majorité de la direction à l’appel « Pour une primaire des gauches et des écologistes », publié le 11 janvier dans Libération.

Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants. Nous appelons à une grande primaire des gauches et des écologistes. Notre primaire est la condition sine qua non pour qu’un candidat représente ces forces à l’élection présidentielle en incarnant le projet positif dont la France a besoin pour sortir de l’impasse. Elle est l’opportunité de refonder notre démocratie… (Julia Cagé, économiste; Daniel Cohn-Bendit, Européen ; Mariette Darrigrand, sémiologue ; Marie Desplechin, écrivaine ; Guillaume Duval, journaliste ; Romain Goupil, cinéaste ; Yannick Jadot, député européen ; Hervé Le Bras, historien et démographe ; Dominique Méda, sociologue ; Thomas Piketty, économiste ; Michel Wieviorka, sociologue)

Pierre Laurent y voyait la seule possibilité d’une présence du candidat ainsi adoubé au deuxième tour de la présidentielle. Participant au processus de désignation du cheval, le PCF pourrait partager les gains en cas de victoire. En effet, les législatives constituent le véritable enjeu pour ce parti en crise qui risque fort de perdre sa représentation parlementaire, l’argent et la place dans l’État bourgeois qu’elle confère.

Mais la direction dut effectuer une marche arrière affolée quand des parieurs aguerris l’accusèrent d’avoir en poche un ticket Hollande, puisque celui-ci risquait fort d’être le candidat du champ de ruines de « la gauche » (PS, PCF, PdG, PRG, EELV, PE, FD…).

Alors ce fut « non si c’est Hollande avec la même politique ». Sous-entendu, si le PS accepte d’écrire avec nous un texte plein d’ « humain », de « citoyen » et de « progrès social », on fait affaire et on soutient Hollande.

En pleine mobilisation pour le retrait du projet de loi El Khomri, le rejet de Hollande, de la politique au service du capital qu’il a menée, mène et mènera, était cependant trop fort pour que le PCF se range officiellement derrière lui et derrière le PS. Le texte adopté par le congrès, très justement nommé « Front populaire et citoyen » mentionne que la manœuvre n’est pas pour autant abandonnée :

Nous ne ferons pas à Manuel Valls, François Hollande et Emmanuel Macron le cadeau de laisser raconter cette fable selon laquelle il y aurait « deux gauches irréconciliables » ou selon laquelle « le clivage gauche-droite serait dépassé ».

Autre souci pour les dirigeants de la majorité, le noyau dur des parieurs qui conspuent Hollande mise sur un autre canasson, Mélenchon. Évidemment très hostile à une primaire dont il ne sortirait pas forcément vainqueur, ce dernier a annoncé qu’il était candidat, sans prévenir son ancienne écurie, liquidant par là le mal en point Front de gauche dont il avait été le candidat à la présidentielle de 2012.

Je propose ma candidature, c’est le peuple qui va décider. Je ne demande la permission à personne je le fais hors cadre de parti. Je suis ouvert à tout le monde, les organisations, les réseaux, mais les citoyens d’abord. (Jean-Luc Mélenchon, TF1, 10 février)

Finalement, le congrès de juin trouve une large majorité pour attendre novembre, tous les courants pour des raisons différentes : les tenants de Mélenchon, persuadés que les mois qui viennent l’imposeront comme le « rassembleur à gauche » des opposants à Hollande ; les staliniens nostalgiques misant sur la désignation d’un candidat PCF parce qu’aucune alliance ne s’avérera possible ; les majoritaires prêts à soutenir n’importe quelle casaque pourvu que les sièges de députés soient sauvés.

Place à la rédaction du « mandat populaire » sur lequel s’engagerait le candidat soutenu par le PCF et qui formerait la plateforme pour les législatives, à la « votation citoyenne » en octobre pour l’adopter, aux tractations d’ici là pour nouer des alliances.

Le pacte national d’engagements communs

Difficile de prendre le « pacte » pour un programme de défense des intérêts du prolétariat, même pour les plus crédules, puisqu’il n’est question que de « la France ». À son service, le PCF entend reformer une coalition de collaboration de classes, énième replâtrage front populaire – union de la gauche – gauche plurielle, tirant pour seul bilan du Front de gauche qu’il n’était pas assez large…

Le Parti communiste français appelle au rassemblement dans un pacte national d’engagements communs de toutes les forces populaires, sociales et politiques, qui veulent remettre la France sur la voie du progrès social et de la démocratie, et reconstruire pour cela une gauche porteuse d’espoir… Nous appelons les Français-e-s et toutes ces forces à participer à un processus collectif qui donne la priorité à la construction d’un projet politique issu de débats citoyens et porteur des exigences populaires autour de cette question : « quelle France voulons-nous ? (Texte Front populaire et citoyen)

Exactement comme Mélenchon ou Montebourg, aucune base de classe, les Français, pas les travailleurs, pas les immigrés avec ou sans papiers… Les cinq questions sur lesquelles ce petit monde va cogiter démontrent encore que leur « front » est sans rivage à droite.

Nous voulons une France qui s’engage dans la refondation démocratique de la République / Nous voulons une France qui s’engage dans la lutte pour éradiquer le chômage et sécuriser la vie quotidienne de nos concitoyens / Nous voulons une France qui s’engage dans la lutte contre la finance et pour une autre utilisation des richesses / Nous voulons une France qui s’engage dans un nouveau modèle de développement / Nous voulons une France qui s’engage dans la refondation démocratique et sociale de l’Europe. (Texte Front populaire et citoyen)

Un vieux parti ouvrier-bourgeois

Il y a quatre-vingts ans que le PCF a définitivement rompu avec le combat pour la révolution, pour la mobilisation du prolétariat détruisant l’État bourgeois et prenant le pouvoir. Le document voté au congrès (Le temps du commun) recuit jusqu’à l’écœurement la soupe réformiste :

Loin d’une recherche désespérée du « grand soir » ou d’une gestion sociale-libérale, nous proposons un processus de transformation sociale fondé sur les luttes, les batailles d’idées et les conquêtes de pouvoirs.

« Des pouvoirs » et surtout pas gouvernement des travailleurs, pouvoir ouvrier, dictature du prolétariat ; « le dépassement du capitalisme » contre son renversement ; « l’entreprise n’est pas la propriété des seuls porteurs de capitaux » et surtout pas l’expropriation des groupes capitalistes ; « la réorientation du système bancaire » contre expropriation de la finance ; « gagner des droits, mais aussi des pouvoirs nouveaux d’intervention pour les salariés, y compris dans les conseils d’administration des grands groupes », la cogestion en lieu et place du contrôle ouvrier sur tous les secteurs socialisés de la production et des échanges ; « VIe République » et « démocratie parlementaire » contre armement du peuple, république des conseils, État ouvrier pour édifier le socialisme ; « une remise à plat des traités européens pour reconquérir de la souveraineté populaire » au lieu des États-Unis socialistes d’Europe, la fin des frontières, la république universelle des conseils.

16 août 2016