Soixante ans après l’insurrection des ouvriers de Berlin-Est et de toute la RDA

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Il y a soixante ans, à la fin du printemps de 1953, trois mois après la mort de Staline, des soulèvements spontanés de la classe ouvrière à Berlin-Est ainsi que dans toute la RDA (la partie Est de l’Allemagne sous occupation des armées de la bureaucratie du Kremlin), les 16 et 17 juin, posaient la question de la destruction de la bureaucratie stalinienne. Ils mettaient à l’ordre du jour ce que la 4e Internationale avait défini en 1935 comme une perspective stratégique de la révolution mondiale, à savoir la révolution politique en URSS et par extension dans les pays étant passés, après la 2e guerre mondiale, sous le contrôle de bureaucraties satellites.

L’Union soviétique est sortie de la révolution d’Octobre comme un État ouvrier. L’étatisation des moyens de production, condition nécessaire du développement socialiste, a ouvert la possibilité d’une croissance rapide des forces productives. Mais l’appareil d’État ouvrier a subi entre-temps une dégénérescence complète, se transformant d’instrument de la classe ouvrière en instrument de violence bureaucratique contre la classe ouvrière et, de plus en plus, en instrument de sabotage de l’économie. La bureaucratisation d’un État ouvrier arriéré et isolé et la transformation de la bureaucratie en caste privilégiée toute-puissante sont la réfutation la plus convaincante -non seulement théorique, mais pratique- de la théorie du socialisme dans un seul pays… ou la bureaucratie, devenant de plus en plus l’organe de la bourgeoisie mondiale dans l’État ouvrier, renversera les nouvelles formes de propriété et rejettera le pays dans le capitalisme ; ou la classe ouvrière écrasera la bureaucratie et ouvrira une issue vers le socialisme. (1re conférence de la 4e Internationale, Programme de transition, 1938)

Une révolution dite politique car ayant pour tâche de chasser la bureaucratie parasitaire et conduire le prolétariat en lutte à l’exercice du pouvoir, sans avoir besoin d’exproprier socialement la bourgeoisie puisque la propriété collective des moyens de production n’avait pas encore été remise en cause.

La mort de Staline n’était pas un mince événement. Elle provoquait dès mars 1953 une crise profonde au sommet de la bureaucratie à Moscou pour le contrôle du pouvoir et dans tous les pays qu’elle avait soumis en Europe orientale. Les dirigeants, privés de leur « chef », se déchiraient sur la meilleure façon d’assurer la continuité du régime, ce qui impliquait la nécessité de « réformes » destinées à préserver le pouvoir de la bureaucratie, dans un contexte de pression accrue des masses ouvrières aspirant à la chute et à la fin des privilèges des détenteurs du pouvoir, bref à la destruction de ces bureaucraties.

La révolution politique commence en Tchécoslovaquie

Les premiers soulèvements de masse des travailleurs n’eurent pas lieu à la mi-juin à Berlin-Est mais au début de ce mois dans les grands centres ouvriers de Tchécoslovaquie. Dans quelles circonstances ? Comme un peu plus tard à Berlin-Est, dans le contexte d’une crise de la bureaucratie locale, la décision de « réforme monétaire » remettant en cause le niveau de vie des masses, fut la cause d’un soulèvement sans précédent dans les villes industrielles, Pilsen, Ostrava, Kladno, etc. Partout, les masses envahissaient les rues et forçaient la police à se retirer. Grèves, assemblées dans les usines, désignation de délégués ouvriers témoignèrent d’un haut degré de conscience politique du prolétariat. Ce dernier montra qu’il pouvait forger spontanément son unité, bannissant toute distinction entre ouvriers membres du parti unique et les autres, ralliant à son combat « illégal » contre la bureaucratie les cadres et organisations ouvrières de base, notamment les syndicats, paralysant l’action répressive des « milices populaires » soumises au parti stalinien.

Et pourtant, la répression réussit peu à peu à faire refluer ce premier mouvement révolutionnaire cherchant désespérément l’appui des ouvriers en Europe. Mais la révolution devait rebondir le 16 juin à Berlin-Est et en RDA avec une puissance accrue.

Toute l’Allemagne orientale dans la tourmente en à peine 24 heures 

Dans cet État occupé par l’armée de l’URSS sur la base du partage de l’Allemagne en plein accord avec les principaux impérialismes à Yalta et Potsdam, et façonné à partir de 1947 sur le modèle de l’URSS, les dirigeants du parti unique (le SED, Parti socialiste unifié qui, contrairement à son nom, n’avait rien de « socialiste ») et de l’État étaient pris entre deux feux : répondre aux revendications ouvrières qui, sans pouvoir s’exprimer ouvertement, grondaient néanmoins, tout en resserrant les rangs, alors que la crise politique faisait rage dans les sommets du Kremlin entre Malenkov, Beria, s’affichant héritiers de Staline, et un certain Khrouchtchev.

De même que Béria, au printemps 1953, voulant passer pour proche du peuple, avait préconisé de libérer un million de prisonniers politiques en URSS, le SED bavardait sur la nécessité d’un « nouveau cours » de la politique en RDA, consistant à revenir sur la « bolchevisation » de l’économie (en préconisant le développement de la petite et moyenne industrie capitaliste, d’avantager les paysans riches et la liberté du commerce, d’amnistier en masse mercantis et trafiquants, sans oublier les concessions à l’Église). Mais dans le même temps, la classe ouvrière était sommée d’augmenter les normes dans la production, bref de travailler beaucoup plus pour les mêmes salaires de misère.

La bureaucratie était loin d’imaginer un tel refus de la masse des ouvriers face à l’augmentation des normes (de 20 à 40 %) et qui allait mettre le feu aux poudres. Dès le 12 juin, le mécontentement de la classe ouvrière se manifestait avec force, contre l’exploitation inhumaine, contre le stakhanovisme importé d’URSS, contre les heures supplémentaires impayées. A Leipzig, vieux bastion ouvrier, les travailleurs d’une usine déclaraient, et leurs propos étaient repris un peu partout : « C’est une honte que 70 ans après la mort de Karl Marx, nous soyons obligés de réclamer des conditions de vie décentes ! » A Berlin-Est, ce même 12 juin, la tension monte dans le secteur du bâtiment concentré dans la Stalinallee où des grèves, relatées par la presse officielle, accompagnent les protestations croissantes des ouvriers contre les « cadences infernales », le coût de plus en plus élevé de la vie, etc.

Et puis, de manière fortuite, le mardi 16, c’est l’explosion. La veille, les ouvriers du chantier C.Sud et ceux du Bloc 40 avaient refusé de partir en excursion sous le contrôle des syndicats officiels et se rassemblent contre les normes. Les dirigeants syndicaux officiels proposent de transmettre les revendications au gouvernement. Mais l’assemblée se rebiffe, les ouvriers élisent leurs délégués pour agir en leur nom. Le 16, contre les bureaucrates qui justifient le relèvement des normes, les ouvriers décident d’accompagner en masse au ministère leurs deux délégués : l’action ouvrière envahit la rue.

Comme l’écrit l’ouvrier Benno Sarel, à l’époque militant trotskyste, dans un excellent livre, La classe ouvrière d’Allemagne orientale, 1945-1958 (dont le CEMTRI a publié des extraits en 2003) :

Au lieu de se rendre directement à la Maison des Ministères, les quelque 300 ouvriers de C. Sud et du Bloc 40 font le tour des chantiers des environs. L’action prend de l’ampleur : déjà il n’est plus uniquement question des normes. (…) Le tour des chantiers a duré près de deux heures. L’organisation officielle est alertée. (Les Cahiers du CERMTRI n° 111)

À l’exception du seul ministre de l’industrie lourde qui tenta de s’opposer à la masse en mouvement et se fit traiter de « traître à la classe ouvrière », les ouvriers, relate Benno Sarel, exigent la présence d’Ulbricht et Grotewohl, chefs du SED et du gouvernement :

On chante le vieil hymne socialiste, « Frères, vers la lumière ! Vers la liberté ! » Les rues sont pleines de monde. On se divise en plusieurs colonnes. Le mot d’ordre est : Grève générale pour demain ! (idem)

Partout, à Berlin et partout en RDA, le mouvement se répand et l’on peut dire que la grève générale commence au soir du 16 juin.

Le comité de grève nommé, on se comporte en maître. Le directeur est remplacé ; le comité veille à ce qu’il n’y ait pas de sabotage. Les ouvriers se donnent, comme en 1945, un organisme qui les représente effectivement. La démocratie se présente dans les entreprises comme calquée sur le système au pouvoir et en même temps comme sa négation la plus totale… Il est typique que ce soit les villes les plus industrielles qui se soient donné l’organisation révolutionnaire la plus poussée : Halle, Bitterfeld, Mersebourg, villes saxonnes de la région des mines de lignite, caractérisées par les grandes industries chimiques et la construction mécanique, qui autrefois étaient nommées « le cœur rouge de l’Allemagne ». (…) Au cours de la matinée du 17 juin les révoltés ont cru à la neutralité soviétique. (idem)

Le gouvernement Ulbricht-Grotewohl, débordé et impuissant, est sur le point de s’effondrer. Les représentants du Kremlin, à Moscou et à Berlin, comprennent que si la révolution en RDA n’est pas stoppée par la force, tout le système bureaucratique à l’Est de l’Europe et même en URSS (les grandes grèves dans l’immense complexe pénitentiaire de Vorkouta de début juillet 1953 sont imminentes) risque de se disloquer. Les chars russes entrent en action et tentent d’écraser les ouvriers, lesquels, écrit le militant B. Sarel, « défaits par les tanks soviétiques, refluent vers les usines. Ils ont été battus mais sans avoir pour autant un sentiment de défaite face au système bureaucratique devant lequel ils se retrouvent ».

Puissance et limites de la spontanéité révolutionnaire des masses insurgées

En quelques heures, la révolution politique avait mis en RDA la bureaucratie au bord de l’abîme avec les seuls moyens des mobilisations en masse, de l’organisation des ouvriers en comités de grève, sans parti propre ni programme mais décidés à balayer le vieux monde. Pourtant, en un seul endroit, lors de la grève de Magdebourg, alors que toute la population s’était insurgée, même les femmes au foyer, la perspective politique la plus avancée de la révolution a été proclamée par le comité de grève de Bitterfeld qui, en plus des revendications portant sur la dissolution des institutions haïes (l’armée, l’appareil judiciaire) et des élections libres sous quatre mois, exigeait la constitution d’un gouvernement provisoire composé de travailleurs progressistes. La bureaucratie en déroute se sentait à deux doigts de sa chute.

Sans doute manquait-il un parti ouvrier révolutionnaire pour mettre en pratique les décisions du comité de grève de Bitterfeld qui exprimait alors la volonté de toute la classe ouvrière allemande, à l’Est, comme à l’Ouest. Les derniers mots de Rosa Luxembourg dont la figure, calomniée par les staliniens, réapparut en 1953 à Berlin, n’avaient-ils pas été, dans son article de la Rote Fahne, du 14 janvier 1919, juste avant d’être assassinée : « la route du socialisme – à considérer les luttes révolutionnaires – est pavée de défaites. Et pourtant, cette histoire mène irrésistiblement, pas à pas, à la victoire finale ! »

Pour cela, pour que l’expérience du passé puisse être transmise aux générations à venir et que toutes les leçons soient tirées de ces défaites, il fallait un parti révolutionnaire qui, dans les années 1950, était incarné dans la 4e Internationale. Or, c’est précisément à partir de 1950 que la direction de la 4e Internationale, autour de Michel Raptis (« Pablo ») et d’Ernest Mandel (« Germain »), révisait son programme en affirmant que le stalinisme ou le nationalisme bourgeois conduirait désormais la révolution et en préconisant la réforme de la bureaucratie de l’URSS. Corrélativement, la direction pabliste entreprenait de liquider l’Internationale comme organisation prolétarienne révolutionnaire, en excluant dès 1952 le PCI, la section française, qui refusait de lier le sort du prolétariat mondial à la bureaucratie stalinienne (voir Stéphane Just, Défense du trotskysme, t. 1, 1965 ; t. 2, 1971).

Ces thèses théorisées dès 1950 par Pablo et « validées » par Mandel furent adoptées par le « 3e congrès » de la 4e Internationale en 1951, malgré l’opposition de la section suisse et de la section française. C’était là une grave défaite de la classe ouvrière mondiale dont l’organisation tenue jusqu’alors pour révolutionnaire, reniait son programme et constituait dès lors un obstacle supplémentaire à la construction de l’Internationale et à celle des partis révolutionnaires dans tous les pays.

Quelle leçon nos pablistes ont-ils tiré à l’époque, de la révolution politique à Berlin-Est et en RDA, sinon, selon la Déclaration du Secrétariat international du 25 juin 53, le constat d’une « démocratisation réelle des Partis communistes » ? Et pour que tout soit bien clair, d’ajouter in fine : « Que les masses persévèrent dans cette voie, et loin d’affaiblir le régime anti-capitaliste de l’URSS et des ‘démocraties populaires’, elles le consolideront et le fortifieront ». Pour Pablo et ses émules, les masses ne sauraient en aucun cas s’émanciper de la bureaucratie contre-révolutionnaire mais au contraire la conforter par leurs « luttes ».

À l’opposé, la majorité de la section française rapportait que :

De nombreux manifestants dans les rues de Berlin, au matin du 17 mai disaient entre eux : « Malheureusement nous n’avons pas de direction ».

Les défenseurs en France du programme trotskyste, c’est-à-dire communiste, mettaient l’accent, dans un appel du 22 juin publié par La Vérité, sur la nécessité de construire un « parti révolutionnaire authentique, indépendant de Wall Street et du Kremlin » qui « aurait appelé les travailleurs de toute l’Allemagne à ne pas attendre l’unité allemande d’une conférence des grandes puissances », ouvrant ainsi la voie aux États-Unis socialistes d’Europe.

Au lieu de demander le retrait des troupes soviétiques (la seule force qui soutenait le gouvernement stalinien), Pablo semait l’illusion que « des concessions encore plus amples et plus réelles » viendraient des gauleiters du Kremlin. (SWP, Lettre aux trotskystes du monde entier, in La Vérité n° 325, 20 novembre 1953)

Confrontées à l’offensive de fractions pablistes en leur sein et à la nécessité de tirer un bilan de la grève générale en France et de la révolution en RDA, la section américaine (SWP) et la section britannique constituaient avec la section française et la section suisse, en novembre 1953, un Comité International (CIQI) pour sauver la 4e Internationale en défendant son programme marxiste. Le CIQI entreprenait de regrouper les premiers éléments à même d’engager la lutte pour des partis révolutionnaires en Europe orientale comme partout dans le monde.

Manifestant l’unité mondiale de la lutte de classe du prolétariat, la révolution à Berlin-Est et en RDA était suivie par le soulèvement des prisonniers politiques russes du camp de Vorkouta (juillet 1953) et de la grève générale d’août 1953 en France qui manifestait la crise de régime minant la 4e République. Notons aussi qu’en Bolivie, chaînon très fragile des pays soumis à l’impérialisme, une révolution prolétarienne avait éclaté en 1952 ; canalisée par les nationalistes bourgeois confortés par les staliniens, elle devait refluer.

Les révolutions politiques du 20e siècle n’ont pas abouti

Mais la révolution politique resurgissait trois ans plus tard pendant le « printemps en Octobre » à l’automne de 1956, lors d’un puissant soulèvement de la jeunesse en Pologne qui se conjuguait dans le même temps à une véritable insurrection ouvrière en Hongrie.

En Pologne, les staliniens sortaient Gomulka de prison et le propulsaient à la tête du parti et de l’Etat avec pour tâche de faire avorter la révolution, ce qui se produisit. La prétendue 4e Internationale de Pablo s’empressa de crier victoire, la manœuvre contre-révolutionnaire du Kremlin et de Gomulka confortant à ses yeux la thèse de la « démocratisation » des partis staliniens. Mais Gomulka devait bientôt restaurer le pouvoir de la bureaucratie en Pologne et être lui-même renversé par une nouvelle explosion révolutionnaire des ouvriers en 1971 et être remplacé une fois de plus par Gierek, un autre stalinien.

En Hongrie, en 1956, le mouvement alla beaucoup plus loin et parvenait à constituer, début novembre et pour quelques jours, un conseil ouvrier du Grand Budapest, candidat objectif à l’exercice du pouvoir. Le Kremlin, toujours vigilant, faisait une fois de plus intervenir son armée pour écraser les ouvriers hongrois. Dans leur soutien à l’appareil stalinien, les pablistes, par la plume de Germain, allaient jusqu’à calomnier les travailleurs hongrois insurgés, justifiant une « intervention de l’armée soviétique contre la réaction » (citation in Défense du trotskysme de S. Just, La Vérité n° 550, p. 65).

Une révolution politique aux conditions objectives exceptionnelles : la Pologne de 1980-81

En Chine où l’impérialisme avait été exproprié après 1949 alors que le PCC formé à l’école de Staline et dirigé par Mao Ze Dong avait été porté au pouvoir par de puissantes insurrections paysannes, la révolution politique avait surgi à plusieurs reprises (en 1956, étouffée par la fameuse campagne des « Cent fleurs » puis en 1967 lors de la « révolution culturelle », Mao réussissant à briser le mouvement de la jeunesse après l’avoir encouragé, en 1989 lors des mobilisations en masse culminant sur la place Tian an men…).

En 1968, la révolution politique soulève la Tchécoslovaquie, les ouvriers et militants de base s’emparent du congrès du PC, détruisent son appareil, ouvrant « objectivement » la voie du pouvoir aux masses. Seule l’invasion du pays par les troupes du Kremlin put mettre fin au « printemps de Prague ».

Ces révolutions antibureaucratiques sont partie intégrante des vagues révolutionnaires qui opposèrent maintes fois, au 20e siècle finissant, le prolétariat à l’impérialisme partout dans le monde : en 1968, notamment en France, en Amérique latine, en Bolivie en 1971, au Chili, en 1970-73, au Portugal en 1974-75, au Vietnam, etc.

En Pologne en 1980, la révolution politique constitue une organisation ouvrière, reconnue par toute la population laborieuse, le syndicat Solidarnosc qui joua dès son apparition un rôle « soviétique ». Contre le pablisme liquidateur, le Comité international, notamment en France, avait réussi, au cours des grands combats du prolétariat polonais des années 1970, à gagner des militants et même des cadres très implantés dans la classe ouvrière et la jeunesse.

Mais ce regroupement de militants révolutionnaires ne fut pas armé par le Comité international dirigé alors par les opportunistes Lambert et Moreno, d’une politique permettant de rassembler les masses polonaises afin de les préparer à la prise du pouvoir. Le combat ne fut pas mené contre l’orientation capitularde et procapitaliste des dirigeants de Solidarnosc pour la raison que les lambertistes du CIQI aidaient depuis des années à la reconstruction des partis sociaux-démocrates, y compris en Pologne, renonçant à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire, aux tâches et au programme de la révolution. En Pologne, cette politique aboutit à conforter, contre les révolutionnaires polonais eux-mêmes, la direction de Solidarnosc, liée à l’Église catholique, qui laissa faire le coup d’État de Jaruzelski liquidant brutalement la révolution politique. L’année et demie de dualité de pouvoirs en Pologne, un temps considérable dans une révolution, aurait pourtant permis de construire un parti en mesure de mener les masses au pouvoir. Celles-ci furent laissées sous le contrôle de la direction cléricale de Solidarnosc. Le CIQI ayant failli à sa tâche, la crise ne pouvait aboutir qu’à la restauration du régime capitaliste dans toute l’Europe orientale. Dès 1988, la direction de Solidarnosc et le parti stalinien (POUP) commençaient à négocier le rétablissement du capitalisme.

Dans le contexte international actuel, caractérisé par une crise générale du régime capitaliste et où les crises révolutionnaires se succèdent dans le monde avec une rapidité vertigineuse, partout la classe ouvrière en mouvement est en grande partie paralysée par l’héritage du passé. Les bureaucraties ont liquidé les États ouvriers qu’elles parasitaient, mais les bureaucraties des grandes organisations ouvrières (syndicales, sociales-démocrates, issues du stalinisme) subsistent en tant qu’obstacles à la révolution. Elles ne pourront être liquidées que si se regroupent, à l’échelle internationale, les forces à même de constituer une nouvelle internationale et ses déclinaisons dans tous les pays, les partis ouvriers révolutionnaires.

17 septembre 2013

Fabrice Lefrançois