Contre la classe capitaliste et ses acolytes : vote de classe, vote nul (Pérou)

(Version espagnole / Versión española)

Pérou : élections générales d’avril 2016

La grande bourgeoisie a présenté ses candidats pour le 10 avril. Bien évidemment, ces multiples variantes défendent toutes l’État capitaliste et les gouvernements qui l’ont servi depuis trente-cinq ans. Mais en plus de celles-ci, trois autres listes participeront aux élections en tant que représentantes des organisations de la petite bourgeoisie, qui défendent aussi un programme néolibéral bourgeois bien que d’une autre façon.

D’un côté, le Frente Amplio (FA, Front large), autour de Tierra y Libertad (Terre et liberté), dont l’amplitude va de certains cercles réformistes traditionnels jusqu’aux secteurs apristes [APRA, vieux parti nationaliste pan-latino-américain] et démocrates-chrétiens. D’un autre, Democracia Directa (DD, Démocratie directe) avec la participation d’un secteur du MAS [Mouvement d’affirmation sociale] réformiste. Enfin, le mouvement Perú Libertario (PL, Pérou libertaire). Dans les trois cas, il s’agit simplement de fronts et d’organisations créés et dirigés par la gauche démocrate des classes moyennes, et non pas de partis prolétariens avec une idéologie et un programme socialiste.

De fait, les programmes de ces listes ne sont pas différents. Cela, a été confirmé le 18 novembre dernier (accord entre le FA, UD et PL), le 17 décembre (avec la présentation des axes du programme de gouvernement du FA), le 23 décembre (avec l’accord entre FA, PC, PS et FS), ainsi qu’avec les entrevues successives données par Verónika Mendoza [candidate du FA à la présidence]. C’est pourquoi, on peut dire qu’il y a identité politique avec la gauche, à partir de ses propres principes programmatiques qu’elle qualifie de « progrès » :

  • « économie de marché », « équilibre macro-économique », « nouveau modèle de croissance et État promoteur du développement », « politiques publiques d’alliance avec le secteur privé » ;
  • « aide à l’investissement national et étranger », « garanties pour les investisseurs », « renégociation des contrats pétroliers et des concessions minières » ;
  • « État démocratique et souverain », « nouvelle constitution ». « égalité des droits et travail digne », « salaire minimum à 1 000 sols ».
  • « encouragement de la concurrence entre AFP » [caisses de retraite], « approfondissement de la réforme universitaire » ;
  • « sécurité urbaine articulant police, gouvernement et pouvoir judiciaire », « défense nationale ».
  • « avec la société dans son ensemble », « les industriels », « les petits et moyens entrepreneurs » et « les forces progressistes ».

Tout cela démontre que son progressisme maintient l’économie néolibérale et l’État capitaliste de la classe dominante, l’État exploiteur, oppresseur, répressif et corrompu. État, le défendant conjointement avec la bourgeoisie et lui préparant une nouvelle Constitution capitaliste.

Car parler d’un nouveau modèle économique capitaliste alors que les intérêts transnationaux sont préservés, que toute renégociation de contrats ne vise qu’à obtenir des miettes et des aumônes du grand capital constitue une démagogie honteuse. En réalité, et comme toujours : on cherche à garantir les bénéfices du patronat étranger et national, en sacrifiant les droits des masses productrices sur l’autel des règles macro-économiques du système. Une « promotion du développement », certes, mais du développement exclusif des magnats externes et internes, parce qu’en réalité l’État péruvien continuera de renoncer à exercer sa souveraineté sur ses ressources minérales et énergétiques. « Progrès », oui, mais pour la bourgeoisie et non pour les peuples.

C’est précisément, la politique que nous connaissons sous le nom familier de néolibéralisme. Il n’y a, là, aucune politique nationaliste bourgeoise qui chercherait à créer et à fortifier un secteur capitaliste étatique. C’est pourquoi l’« anti-néolibéralisme » du Frente Amplio et de la gauche est une farce.

Il s’agit toujours du même État faussement démocratique et jamais souverain, celui que l’impérialisme continuera de dominer sans obstacles et où l’égalité réelle des droits et le travail digne continueront d’être une utopie, celui dans lequel la gauche, dans le même temps où elle prétend protéger les régimes de retraite, appuie la loi universitaire qui va privatiser et se prononce pour un salaire minimal insultant (alors que la bureaucratie de la CGTP elle-même réclame 1 500 sols).

Avec un tel programme, il n’est pas surprenant que, pour protéger cet État, on ait recours au renforcement des appareils antipopulaires – judiciaire, policier et militaire – qui ont déjà tant emprisonné et massacré la classe ouvrière et le peuple. Ce n’est que la conséquence logique de l’engagement à défendre l’économie et la politique de l’État de la classe exploitante, en lien avec les industriels de la SNI et les entrepreneurs moyens de la Confiep.

Dans de telles conditions électorales, une fois encore le peuple travailleur ne sera pas représenté. Il n’y aura pas de liste issue des districts ouvriers et populaires, des fabriques et entreprises, des sections syndicales, des peuples et des communautés. Car les bureaucraties syndicales responsables de cette situation (les directions de la CGTP et de la CUT) se sont engagées à appuyer les candidatures de la petite bourgeoisie (et s’y sont intégrées), comme, à d’autres moments, elles ont apporté leur soutien à Humala, Villarán, Tolèdo et Fujimori, pour parler seulement des expériences historiques les plus récentes. C’est toujours le rôle de ces directions, auxquelles maintenant s’est aussi joint le groupe dirigeant de la Red Solidaria de Trabajadores (Réseau solidaire des travailleurs). Face aux candidateures Mendoza-Arana et Santos-Alcantara, nous ne devons pas oublier que toute la gauche s’est faite la complice de Humala dès 2006 et de Villarán entre 2010-2015 (d’Alcantara jusqu’à 2013), a appelé le peuple à soutenir ses ennemis, et que ces mouvements font de l’opportunisme électoraliste leur raison d’être.

Les partis d’origine ouvrière méritent, quant à eux, une mention spéciale. Le PC [Parti communiste préuvien, héritier des staliniens pro-Moscou] et Patria Roja [Patrie rouge, héritier des staliniens pro-Pékin] sont plongés dans une crise profonde produit de quatre-vingts ans d’opportunisme invétéré et de trahisons, jusqu’à se muer en un stalinisme miteux néo-social-démocrate. Leur dernier exploit, servir d’hommes de main à Yehude Simon [Parti humaniste, premier ministre de 2008 à 2009], ce qui revient à se faire complices du baguazo [massacre de Bago, 2009], de l’Apra et de Pedro Pablo Kuczynski [premier ministre de 2005 à 2006]. À tel point qu’à chaque fois ce sont les secteurs d’avant-garde qui ont montré le plus leur scepticisme et leur rejet de ces faux partis communistes.

Nous, communistes, luttons pour un État des travailleurs, résultat d’une révolution socialiste. Nous opposons le marxisme à la gauche qui défend le système, au « progressisme » ennemi de la nationalisation des richesses, qui propose aujourd’hui un programme de privatisation, capitaliste néolibéral soi-disant « plus humain » comme elle dit, allégé, mais au final, toujours néolibéral. Les communistes n’appellent pas à voter pour les mouvements qui ont appuyé la feuille de route réactionnaire de Humala [actuel président, PNP] et qui l’ont défendue au Parlement, dans des ministères et des ambassades, et qui sont de fait un néo-humalisme, un humalisme recyclé. Comme l’a déclaré Verónika Mendoza, « la Feuille de route était de gauche ». C’est cela, finalement, la gauche. Les communistes n’appellent pas à voter pour des députés comme Mendoza qui empochent 33 000 sols par mois, ce qui est un véritable crime contre le peuple péruvien ni non plus pour des gouverneurs régionaux comme Santos, incarcéré pour sérieuses preuves de corruption.

Contre le programme de la gauche néolibérale :

  • Nationalisation sans indemnité des transnationales et des grandes entreprises, sous le contrôle de leurs travailleurs.
  • Contrôle direct de toutes les entreprises publiques par leurs travailleurs.
  • Nationalisation de tout le commerce extérieur du pays.
  • Annulation des traités de libre-échange.
  • Effacement de la dette externe.
  • Rupture avec les gouvernements impérialistes, avec le FMI, la Banque mondiale, la BID (Banque interaméricaine de développement),, l’OMC, l’APEC (Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique).
  • Aucun faux « État démocratique » capitaliste. Aucune nouvelle constitution capitaliste néo-libérale.
  • Gouvernement ouvrier, paysan et populaire.

11 janvier 2016, Revolución permanente (Révolution permanente)