Le droit aux études remis en cause


D’un côté, le gouvernement affiche un objectif de 60 % de diplômés du supérieur d’ici 2025 – le chiffre est aujourd’hui de 44 % –, soit trois millions d’étudiants ; de l’autre, il limite fortement ses financements à l’enseignement supérieur public. Les personnels sont de plus en plus précarisés et les étudiants sont confrontés à une grave remise en cause de leur droit aux études. Les universités publiques en France subissent de plein fouet ce que les personnels et les étudiants avaient compris en 2007 et en 2009 lorsqu’ils ont tenté d’affronter le gouvernement contre la loi LRU, à savoir un appauvrissement généralisé.

La pauvreté étudiante s’accroît. Seul un étudiant sur quatre est boursier et seul un sur trois perçoit une aide familiale, alors que le coût de la vie des étudiants a augmenté de 8,4 % depuis 2012 (Unef, Enquête sur le coût de la vie étudiante, 14 août). Ainsi, la moitié des étudiants est contrainte d’exercer une activité professionnelle et nombreux sont ceux qui parviennent à peine à survivre (un étudiant a été retrouvé mort de faim dans sa chambre universitaire à Lille fin octobre).

Les personnels des universités sont de plus en plus précaires ; 30 à 60 % des personnes travaillant dans les laboratoires sont en CDD. Les salaires stagnent, et la mise en concurrence des agents aggrave encore leurs conditions de travail. Les laboratoires sont sous-financés, avec un personnel de plus en plus précaire, et de moins en moins de recrutements de titulaires.

Des jeunes interdits de s’inscrire

Depuis la mise en oeuvre de la loi LRU, les universités, dotées d’un budget propre, ont trois ressources : le financement de l’État, les droits d’inscription et les ressources propres – issues de la coopération avec le secteur privé. Le ministre Mandon prétend avoir « obtenu que l’enseignement supérieur et la recherche soient préservés » (L’Étudiant, 16 septembre 2015). Il s’agit d’une hausse de 165 millions des crédits, après une baisse de 100 millions l’an dernier, 65 millions d’euros ne couvrant pas la moitié de la hausse des coûts du chauffage. 1 000 nouveaux emplois ont beau être créés, il est probable que faute de moyens, les universités en suppriment en contrepartie.

Le budget de l’État ne connait pas l’austérité pour le système carcéral, la police, les services secrets, l’armée, mais l’enseignement et la recherche publics la paient très cher. Ainsi le gouvernement, en n’augmentant pas ou peu les financements, pousse soit à la coopération avec la classe capitaliste, soit à la hausse des frais d’inscription. Ces derniers s’élèvent actuellement à 184 euros par an pour une inscription en licence, 256 euros pour une inscription en master, 391 euros pour une inscription en doctorat. C’est de là que viennent une grande partie des difficultés financières des universités. Depuis 2007, une soixantaine de fondations ont été créées auprès d’entreprises privées, sans grand succès.

Pour la bourgeoisie, l’enseignement supérieur est d’abord un moyen de reproduction de la force de travail qualifiée nécessaire à l’exploitation. La recherche scientifique est conçue comme un moyen de concevoir des applications technologiques à même de générer de la rentabilité pour les capitalistes et les sciences sociales sont tolérées si elles servent à fournir une justification idéologique au capitalisme. « Tous les pays développés font de l’accès à l’enseignement supérieur la première ressource de leur compétitivité » (Thierry Mandon, RTL, 21 septembre).

Alors que 63 % des étudiants sont inscrits à l’université (1,5 million), en hausse régulière, de multiples entraves restreignent l’accès à l’enseignement supérieur et entravent la qualification des enfants des ouvriers, des employés, des paysans travailleurs. De plus en plus de formations ne sont accessibles qu’au moyen de droits d’inscription pharamineux ou de préparations privées coûteuses (voir Arnaud Parienty, School business, comment l’argent dynamite le système éducatif, La Découverte, 2015).

En juillet 2015, 7 500 bacheliers n’avaient pas pu s’inscrire. Ils étaient encore des milliers début septembre, à la veille de la rentrée. Le 9 septembre, le ministre annonce que 900 bacheliers seraient sans inscription, sans compter les étudiants qui n’ont pas été inscrits dans la filière de leur choix. Le baccalauréat est le premier diplôme universitaire, une université n’est en principe pas autorisée à interdire à un bachelier de s’inscrire à l’université, mais la loi a prévu des échappatoires.

Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement… les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier… (Code de l’éducation, L612-3)

Le gouvernement PS-PRG a retiré aux universités 100 millions d’euros affichés au budget, pour financer les les dépenses militaires supplémentaires non prévues. S’ajoute la une pression démographique avec une augmentation de 6,5 % du nombre de demandes d’inscription à l’université de 65 000 en 2015, ce qui correspond à une dépense de 360 millions d’euros.

Sous prétexte « d’orientation active », le gouvernement a ouvert le droit aux universités de choisir leurs étudiants. Faute de moyens, de nombreuses universités établissent des « capacités d’accueil » ou les diminuent si elles existaient déjà ; 54 universités sur 75 (334 formations) pratiquent des tirages au sort, voire d’autres formes de sélection, illégales, – sur dossier, sur entretien… Elles reportent également des réfections de locaux ou des travaux de sécurité, ferment certaines filières, réduisent les volumes horaires… et ainsi augmentent l’échec et dévalorisent les diplômes.

Pour une université émancipatrice

Le mécontentement est généralisé (par exemple, le 23 septembre, les étudiants de Staps (activités physiques et sportives) manifestaient contre les refus d’inscription.

Mais les directions des syndicats étudiants et des syndicats des travailleurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, refusent de combattre le gouvernement, de lutter contre le budget 2016, multiplient les « journées d’action » impuissantes : le 8 octobre, l’Unef appelait à participer à la journée d’action interprofessionnelle ; le 16 octobre, une intersyndicale appelait à une manifestation pour « un autre budget de l’enseignement supérieur ». Le principal syndicat de l’enseignement supérieur « appelle les Présidents d’université à s’engager et à soutenir, par tous les moyens qu’ils estimeront utiles, les mobilisations en cours » (Appel du SnesUp-Fsu, 15 novembre), ces présidents d’université dont le rôle, accru depuis 2007, est de mettre en œuvre la politique du gouvernement, parfois en envoyant la police contre les étudiants récalcitrants. Quelques jours plus tard, le 2 novembre, toutes les directions syndicales du secteur (Fsu, Fo, Cgt, Cfdt, Unsa, Solidaires) étaient au garde-à-vous pour engager avec le ministre Mandon, l’« agenda social du supérieur ».

Contre les diversions des journées d’action et la cogestion, c’est de la rupture des syndicats avec le gouvernement, de la mise sur pied d’une coordination démocratique et centralisée à partir des assemblées générales, dont les étudiants, les enseignants-chercheurs, les enseignants, les chercheurs, les autres personnels ont besoin pour satisfaire les revendications.

Abrogation de la loi LRU, de la loi Fioraso et du pacte pour la recherche ! Rétablissement intégral du cadre national des diplômes !

Boycott des discussions des attaques du gouvernement ! Boycott du CNESER et de tous les organes de cogestion !

Inscription inconditionnelle de tous les étudiants titulaires du baccalauréat, qu’ils soient français ou non ! Allocation d’autonomie pour tous les étudiants !

Embauche massive par concours de personnels titulaires pour absorber le supplément d’étudiants ! Titularisation de tous les précaires !

Construction des locaux nécessaires à l’enseignement ! Pour un cadre d’étude permettant à tous de progresser !

15 novembre 2015