Le programme du NFP, entre promesses fallacieuses aux travailleurs et garanties à la bourgeoisie

La brève et peu glorieuse « alliance historique » NUPES

Les différends entre PCF, PS et LFI reflètent non seulement les appétits rivaux de leurs appareils, mais les fracturations de la bourgeoisie française, qui les tient tous en laisse.

L’opportunisme se différencie en fonction des couches de la bourgeoisie sur lesquelles il cherche à s’appuyer et à la suite desquelles il essaie d’entrainer le prolétariat. (György Lukacs, Lénine, 1924, GMI, p. 37)

LFI mise sur un capitalisme vert, tandis que le PCF s’accroche à l’industrie nucléaire aux mains des groupes capitalistes d’envergure internationale (EDF et sa filiale Arabelle Solutions, Orano, Bouygues, Vinci, Engie…). Le PS suit la majorité des capitalistes français qui reste fidèle à l’OTAN et estime que l’Union européenne est la seule chance pour l’impérialisme français de peser dans un monde déchiré entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois ; le PCF et LFI suivent plutôt la minorité des capitalistes français qui s’estime victime de la prédominance économique allemande au sein de l’UE et mise sur une alliance avec la Chine et la Russie. D’où leur réticence au soutien de la France à l’Ukraine.

Le PCF et LFI sont nostalgiques du temps où leur État impérialiste avait une influence au Proche-Orient, tandis que le PS reste prosioniste. Depuis qu’Israël a entrepris un génocide à Gaza, le PS relaie contre LFI la campagne du gouvernement Macron-Darmanin qui assimile l’antisionisme à l’antisémitisme, avec l’appui des médias « de gauche » comme Le Monde. Mélenchon n’est pas plus antisémite que Corbyn ou Filoche. Simplement, l’opportunisme de LFI, du NPA-AC et de RP les conduit à se taire sur le fondamentalisme religieux et l’antisémitisme du Hamas anticommuniste.

En 2022, après le premier tour de l’élection présidentielle qui élimine leurs candidats et laisse place à un duel Macron-Le Pen, EELV, le PS, le PCF et LFI, appellent à voter Macron ou contre Le Pen. Ils proclament le 1er mai, « une alliance historique » pour les élections législatives qui suivent, la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale. L’étiquette présente comme « nouvelle » une union usée jusqu’à la corde (Bloc des gauches en 1899, Union sacrée en 1914, Cartel des gauches en 1923, Front populaire en 1935, CNR en 1943, Union de la gauche en 1972, Gauche plurielle en 1997, bloc PS-EELV-PRG-Walwari en 2012). Sans laisser leurs électeurs les départager au premier tour, les états-majors se répartissent entre eux les candidatures uniques.

Nous sommes en train d’écrire une page de l’histoire politique de la France. C’est la première fois qu’il y a un accord général dès le premier tour de toutes les forces de gauche, ce qui n’a été fait ni par le Cartel des gauches ni par le Front populaire, ni à la Libération. (Jean-Luc Mélenchon, 7 mai 2022)

Malgré ses espoirs, Mélenchon ne devient pas le premier ministre de Macron. Néanmoins, l’accord assure plus de sièges à l’Assemblée nationale que ne l’auraient fait des campagnes électorales séparées.

De 2022 à 2024, les députés NUPES votent à plusieurs reprises avec le RN. Puis « la page de l’histoire de la France » est tournée à l’approche des élections au Parlement européen à un seul tour et à la proportionnelle. Comme elles sont traditionnellement favorables à EELV, dès juillet 2023, le principal parti écologiste fait cavalier seul (ses espoirs seront cruellement déçus). Faute de NUPES, chaque parti ouvrier parlementaire s’associe à des débris bourgeois : le PS fait liste commune avec PP, le PCF avec LRDG et Engagement, LFI avec REV.

La nouvelle entente électorale interclassiste NFP proclamée dans la précipitation

Le 9 juin, à part dans quelques grandes villes, le FN-RN triomphe, ce qui soulève l’inquiétude d’une grande partie des travailleurs et des étudiants. Mais ni le PS, ni le PCF, ni LFI ne les appellent à se mobiliser, à s’organiser dans les entreprises, les administrations, les quartiers, les lieux de formation pour empêcher le parti raciste de nuire.

Le social-chauvinisme et l’opportunisme ont le même contenu politique : la collaboration des classes, le reniement de la dictature du prolétariat, la renonciation aux actions révolutionnaires, la servilité devant la légalité bourgeoise, le manque de confiance dans le prolétariat, la confiance dans la bourgeoisie. (Vladimir Lénine, « L’opportunisme et la faillite de la 2e Internationale », décembre 1915, Œuvres t. 21, Progrès, p. 460)

Le soir des élections « européennes », le président dissout l’Assemblée nationale et convoque des législatives anticipées le 30 juin et le 7 juillet, persuadé après la campagne des européennes que les partis de la NUPES continueraient à se disputer. Ainsi, Macron retrouverait une majorité. Raté !

Tous s’accordent pour gérer loyalement le capitalisme et empêcher la révolution. Le lendemain de la dissolution, déjouant le calcul du président, les partis « réformistes » (PS, LFI, PCF…) flanqués de formations politiques bourgeoises (EELV, PP, MRC, LRDG, L’Engagement, REV, GE, GRS, ND, MDP…) annoncent aux médias une nouvelle coalition électorale.

Nous appelons à la constitution d’un nouveau front populaire rassemblant toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes… Dans chaque circonscription, nous voulons soutenir des candidatures uniques dès le premier tour. (Quelques jours pour faire Front populaire, 10 juin)

Ils mesurent le risque de s’opposer dans un scrutin majoritaire à deux tours.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, qui avait dit un mois plus tôt sur Sud Radio qu’il n’y aurait plus d’alliance avec Jean-Luc Mélenchon, tend la main à ses anciens partenaires [de la NUPES]. L’urgence est de sauver les sièges à l’Assemblée nationale. (Le Monde, 22 juin 2024)

Fébrilement, durant 48 heures, PP et EELV négocient avec le PS, le PCF et LFI d’une part les candidatures, de l’autre le programme. Le 13 juin, les états-majors rendent publics la répartition des circonscriptions et le « contrat de législature ».

Tandis qu’une minorité significative d’économistes bourgeois (les keynésiens) justifie celui-ci comme un simple plan de relance favorable au capitalisme français qui serait à l’image de celui du gouvernement impérialiste américain de Biden, une majorité des économistes bourgeois (les néoclassiques) le condamne comme « irréaliste », « confiscatoire » et « dangereux ». Parmi ces sommités, certains (Philippe Aghion, Olivier Blanchard…) considèrent que le programme du NFP est encore pire que celui du RN.

En tout cas, les candidats du NFP y piochent ce que leurs interlocuteurs veulent entendre. Comme l’ont prouvé l’expérience du Cartel des gauches (1924), du premier Front populaire (1935), du CNR (1943), de l’Union de la gauche (1972), etc., il ne faut pas prendre trop au sérieux les programmes communs des coalitions entre partis ouvriers réformistes et partis bourgeois « démocratiques » ou « républicains ». Ils mélangent toujours quelques promesses aux travailleurs (indispensables pour obtenir leurs voix) et des messages envoyés pour la rassurer à la classe dominante (les capitalistes, les hauts fonctionnaires, l’état-major…). En pratique, quand les coalitions accèdent au gouvernement, la gestion loyale du capitalisme fixe des limites étroites aux « réformes » qui sont concédées à la classe ouvrière.

Le « contrat de législature » du 12 juin du NFP est décliné en trois phases : « 15 premiers jours : la rupture », « 100 premiers jours : l’été des bifurcations », « les mois suivants : les transformations » plus un supplément « l’urgence de la paix ». Chacune mélange des engagements sociaux tangibles, des projets vagues, des mesures contraires aux intérêts des prolétaires et des opprimés.

Un fourretout de promesses aux travailleurs

Le bloc EELV-PP-PS-PCF-LFI s’engage, dès les premiers jours de coexistence avec Macron, à « bloquer les prix des biens de première nécessité », « abroger immédiatement les décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 ans », « augmenter le SMIC à 1 600 euros net », « de 10 % le point d’indice des fonctionnaires », « les indemnités des stagiaires, le salaire des apprentis et des alternants »…

Ensuite, avant l’automne, au cours de deux « sessions extraordinaires de l’Assemblée nationale », le NFP prétend « indexer les salaires sur l’inflation », « abolir Parcoursup », mettre en place « le repas à 1 euro dans les Crous », « investir dans l’éducation nationale », « assurer l’isolation complète des logements », « accroitre la progressivité de l’impôt sur le revenu », « rétablir l’ISF »…

Puis il faudrait attendre trois mois ou plus de coexistence avec Macron pour « indexer le montant des retraites sur l’inflation », « arrêter le service national universel », « abroger les lois asile et immigration de Macron », assurer le « rattrapage de postes manquants de fonctionnaires », « des tarifs accessibles sur les transports en commun », fournir « 500 000 places en crèche », « 200 000 logements publics par an ».,

Aux petits paysans, le Nouveau Front populaire promet l’impossible quand on conserve le capitalisme, « préserver le modèle agricole familial ».

Telles sont les promesses aux travailleurs, si utiles pour se faire élire, les mêmes que récuse le patronat.

Plusieurs mesures proposées par le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national apparaissent inappropriées et même dangereuses pour l’économie française, la croissance et l’emploi. (Patrick Martin, président du Medef, Le Figaro, 19 juin 2024)

Si un gouvernement du NFP commence à satisfaire ces revendications, le capital y mettra vite un coup d’arrêt. Effacer la lutte des classes d’un programme et des discours électoraux est une chose, l’effacer de la réalité en est une autre. Il est probable qu’un éventuel gouvernement NFP trouverait de multiples excuses pour ne pas réaliser totalement le volet des promesses sociales.

Si des « actes de rupture » améliorent la situation des travailleurs, ils se heurteront fatalement à la résistance de la bourgeoisie. Comment la briser ? Sans mobilisation des travailleurs des grandes entreprises, des banques et des services des impôts, les capitalistes et les riches bénéficieront toujours des « niches fiscales », frauderont à plus grande échelle et se réfugieront plus que jamais dans les « paradis fiscaux ».

Le NFP pense noyer le problème avec des mesures de conciliation entre les classes.

L’exutoire des concertations sociales et de la cogestion

Dans ce que le contrat de législature appelle « le pays », s’opposent à un pôle la bourgeoisie et à l’autre la classe ouvrière. De manière illusoire, le NFP prétend concilier les deux, tracer « le chemin d’apaisement », de « l’application pleine et entière de la devise suivante : liberté, égalité, fraternité », de « la négociation collective », pour « apaiser », « retrouver le chemin de la concorde et de la recherche du consensus ». D’où un déferlement

  • de retouches à l’État bourgeois : « convocation d’une assemblée constituante », « instaurer le référendum d’initiative citoyenne et renforcer le référendum d’initiative partagée » (les référendums font déjà partie de la 5e République gaulliste), « revitaliser le parlement » (pourquoi ne pas abolir le Sénat ?), « abolir la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions » (pourquoi ne pas abolir tout simplement la présidence ?),
  • de vœux pieux vis-à-vis de l’Union européenne : « instaurer un protectionnisme écologique et social aux frontières de l’Europe » (qui s’inscrit dans la montée internationale du protectionnisme qui est l’autre face de la montée des tensions inter impérialistes et du militarisme), « proposer une réforme de la politique agricole commune » (elle est revue tous les 7 ans !), « refuser les contraintes austéritaires du pacte budgétaire » (Macron lui-même ne les a pas respectées !), « annuler l’accord avec le Canada », « renoncer à l’accord avec le Mercosur », sans grande différence avec le RN ;
  • d’alignements sur l’ONU : « agir pour la libération des otages détenus depuis les massacres terroristes du Hamas », « reconnaitre l’État de Palestine sur la base des résolutions de l’ONU » ;
  • de renforcement de la cogestion : « faire des salariés de véritables acteurs de la vie économique, en leur réservant au moins un tiers des sièges dans les conseils d’administration » (en fait « de salariés », il s’agira de postes supplémentaires -bien rémunérés- pour les bureaucrates syndicaux) ;
  • de « concertations », de « négociations » et de « consultations », tout à fait dans la continuité de Macron : « faire une loi de programmation de la recherche plus ambitieuse » (en appliquant les mesures de Sarkozy et de Macron ?), « mission de dialogue » envoyée par Macron et Darmanin en Nouvelle-Calédonie pour « renouer avec… l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa », « conférence de sauvetage de l’hôpital public », « conférence sociale sur les salaires », « plan de lutte contre les discriminations », « plan interministériel de lutte contre l’antisémitisme », « congrès général des territoires éloignés et insulaires », « états généraux sur les libertés publiques », « conférence nationale sur le travail et la pénibilité ».

Cela ne suffira évidemment pas à empêcher les travailleurs et les opprimés de lutter pour défendre leurs intérêts, pour exiger la satisfaction de leurs revendications. Le NFP annonce déjà à la classe dominante de quel côté pencherait alors son gouvernement.

Les gages déjà donnés à la réaction

Le NFP ménage le grand capital. Aucune nationalisation n’est envisagée :

  • « créer un pôle public bancaire » veut dire un simple rapprochement de la Caisse des dépôts et consignations et de la BPI déjà existantes et que, à côté du pôle, subsisteraient les banques, les assurances et d’autres groupes privés de la finance.
  • rien sur les réseaux capitalistes des EHPAD dont tout le monde sait désormais comment ils traitent les personnes âgées pour maximiser le profit.
  • quant à « créer un pôle public du médicament », c’est clairement ne pas nationaliser les groupes capitalistes du médicament.
  • « conditionner l’ouverture des cliniques privées » veut dire en clair qu’il pourrait s’en ouvrir encore de nouvelles, que les anciennes ne seraient même pas soumises aux dites « obligations » demandées aux nouvelles, bref qu’il y aura toujours des groupes capitalistes, de plus en plus gros, qui feront du profit sur la santé et sur la vieillesse.
  • « conditionner les aides aux entreprises au respect de critères » veut dire que l’État, les collectivités territoriales continueraient à subventionner les entreprises capitalistes avec 2 000 dispositifs publics (157 milliards d’euros en 2019, avant la pandémie).

La mainmise d’Israël sur la plus grande partie de la Palestine serait entérinée par « la France », le Front populaire accepte la partition de la Palestine et dit seulement soutenir la création d’un État palestinien à ses côtés, sous forme de deux bantoustans séparés et désarmés. En cela, il prolonge Macron et converge avec la quasi-totalité des partis bourgeois.

L’État français resterait dans l’OTAN. En cela, le NFP converge avec la majorité des partis bourgeois.

La Kanaky resterait colonisée. Les accords de Matignon et Nouméa ont permis à Mitterrand et Rocard, puis à Jospin et Chirac, après avoir écrasé de manière sanglante la résistance kanake, de maintenir l’archipel au sein de l’État impérialiste français au prix de quelques concessions aux chefs tribaux (masculins par définition) et aux capitalistes mélanésiens. Le NFP ne condamne pas la « brutalisation » de l’envoi de milliers de militaires et de gendarmes, du GIGN et du RAID. En fait, le NFP partage le but de sa bourgeoisie, conserver sa colonie. En cela, il converge avec la totalité des partis bourgeois.

La laïcité resterait bafouée :

  • « refuser les financements publics pour la construction de nouveaux édifices religieux » signifie que le financement public (à la charge des communes pour l’essentiel) serait maintenu pour l’entretien des anciens édifices ;
  • vu le mutisme du programme, le clergé (catholique, protestant et israélite) de l’est de la France (Bas-Rhin, Haut-Rin, Moselle) resterait entretenu par l’État ;
  • « moduler les dotations des établissements scolaires, y compris privés » veut bien dire que l’État, les régions, les départements et les communes continueraient de financer à hauteur de plus de 10 milliards d’euros par an les « établissements privés », autrement dit une institution réactionnaire pluriséculaire, l’Église catholique, pour lui livrer 2 millions de jeunes (97 % de l’effectif du « privé sous contrat ») ;
  • le silence du programme sur les « établissements privés hors contrat », où 80 000 enfants sont livrés à des sectes de toutes sortes est accablant.

Ces concessions à l’obscurantisme et à la réaction convergent avec la quasi-totalité des partis bourgeois. Durant la pandémie de covid, LFI, suivi par le NPA, RP et LO, a soutenu sans vergogne les manifestations anti-masques et antivaccins.

L’appareil répressif de l’État bourgeois serait renforcé :

  • « rétablissement de la police de proximité », « maintien de l’ensemble des gendarmeries », « augmentation des effectifs de police judiciaire, du renseignement » annoncent un accroissement des forces d’espionnage et de répression, un surcroit du fardeau fiscal sur les prolétaires qui en supportent l’essentiel.
  • cela est confirmé par le silence total du programme sur l’armée, sur la croissance de son budget et de son effectif sous Macron. Les députés des partis sociaux-patriotes ont été plus bavards lors de la discussion du budget militaire de 2024 à l’Assemblée nationale.

Selon nous, ce texte est un rendez-vous manqué. Il ne comble pas les lacunes capacitaires de nos armées et ne prépare pas notre pays aux transformations du monde, notamment au changement climatique. Il confirme que votre projet pour la France n’est pas l’indépendance mais bien l’alignement… Le porte-avions de nouvelle génération verra-t-il le jour à temps ?… Rien, dans ce projet de loi de finances, ne permettra à la France de conserver et de développer une BITD [base industrielle et technologique de défense] souveraine. (Aurélien Saintoul, LFI, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

Bien entendu, il faut mettre tous les moyens en œuvre pour protéger les Français et nos ressortissants à l’étranger, pour que les armées disposent du meilleur matériel, à la pointe des nouvelles technologies, et pour que les soldats soient bien équipés, bien formés, mieux rémunérés. Sur ces différents points, il y a eu quelques avancées, notamment en matière de conditions de vie et d’indemnisation des soldats… Nous voulons allouer d’importants moyens au secteur des équipements et des munitions, afin de rattraper le retard pris depuis des années. (Fabien Roussel, PCF, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

L’État policier et le militarisme du NFP convergent avec les partis bourgeois. Le PCF et le PS se sont d’ailleurs affichés, comme EELV, LR et le RN, à la manifestation des policiers de 2021 appelée par des organisations professionnelles fascisantes.

Un programme trompeur qui annonce la trahison

Un éventuel gouvernement NFP, qu’il soit conduit par Berger, par Ruffin, par Faure ou par Mélenchon, serait soumis aux pressions des « partenaires de la France » (au premier chef, les États bourgeois américain et allemand), au chantage des « marchés » (le capital mondial de la finance), aux exigences de la bourgeoisie nationale (grands patrons, hauts fonctionnaires, état-major), au déchainement des forces politiques réactionnaires (LR de tout poil, RN, Reconquête, « identitaires »…).Il n’est pas difficile de deviner, à la lumière des expériences antérieures, en France (« pause des réformes » en 1937, « bataille de la production » en 1945, « tournant de la rigueur » en 1983…) comme ailleurs (Russie 1917, Allemagne 1928-1930, Espagne 1936-1939, Chili 1970-1973, etc.) le choix que fera un gouvernement de collaboration de classe.

La tâche centrale de la 4e Internationale consiste à affranchir le prolétariat de la vieille direction, dont le conservatisme se trouve en contradiction complète avec la situation catastrophique du capitalisme à son déclin et constitue le principal obstacle au progrès historique. L’accusation capitale que la 4e Internationale lance contre les organisations traditionnelles du prolétariat, c’est qu’elles ne veulent pas se séparer du demi-cadavre politique de la bourgeoisie. (4e Internationale, Programme, 1938, GMI, p. 28)

Le Nouveau Front populaire est une coalition électorale des partis réformistes avec des partis bourgeois. Ses promoteurs avaient voté Macron au second tour de la présidentielle et sont de nouveau prêts à voter pour les candidats de Renaissance, de LR, d’Horizons… au second tour des législatives.

En cas de duel face au RN, nous appellerons à voter contre le Rassemblement national… C’est ce que nous avons toujours fait. (Mathilde Panot, LFI, BFMTV, 21 juin)

Le programme d’un tel bloc est forcément compatible avec le capitalisme. En cas d’accession au gouvernement, les promesses aux travailleurs seront oubliées ou remises en cause. La trahison du PS, du PCF et de LFI nourrirait le RN, voire un parti fasciste qui ne s’arrêtera pas à mi-chemin dans sa volonté de détruire le mouvement ouvrier.

La politique conciliatrice des « fronts populaires » voue la classe ouvrière à l’impuissance et fraie la voie au fascisme. (4e Internationale, Programme, 1938, GMI, p. 7)

Des « trotskystes » (sic) qui adhèrent à un front populaire ?

Pourtant, en 1981, LO et la LCR avaient voté Union de la gauche au second tour des législatives. Pourtant, plusieurs formations qui se réclament de la révolution (POI, NPA-AC, JGA, GR, UCL…) courtisent LFI et se rallient plus ou moins ouvertement au Nouveau Front populaire.


D’après les renégats convertis au populisme à la Mélenchon et au front populisme :

  1. Le NFP n’est pas une manœuvre des directions réformistes en collusion avec leurs comparses bourgeois « démocratiques » mais serait le résultat d’une saine aspiration des masses.

    Cette force décuplée [des masses] impose aux partis PS, PCF, EELV de conclure en 24 h avec LFI un accord, de s’entendre sur un programme…, de s’entendre pour un candidat unique dans chaque circonscription. (Informations ouvrières, 19 juin 2024)

    Le Nouveau Front populaire est né de la volonté d’unité pour tourner la page de la politique d’Emmanuel Macron d’injustice sociale et de division. (Informations ouvrières, 27 juin 2024)

    La pression a contraint les forces centrifuges qui avaient mis sur le devant de la scène politique les divisions de la gauche politique à se réunir. (L’Anticapitaliste, 20 juin 2024)

  2. Le programme du NFP n’est pas un programme bourgeois rédigé par les agents de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière en soumission à leurs alliés bourgeois de circonstance, mais serait dicté par les masses.

    Beaucoup de points de ce programme ont été portés par les mouvements de ces derniers mois… (L’Anticapitaliste, 20 juin 2024)

  3. Le programme du NFP n’est pas une série de promesses mensongères assorties de garanties véritables à la classe dominante, mais il serait progressiste, il constituerait un pas en avant.

    La plupart des mesures qu’il contient ne sont pas contradictoires avec celles du combat pour la révolution, qui intègre toutes les avancées sociales et démocratiques possibles, aussi partielles soient-elles. (CLAIRE, 16 juin 2024)

    La gauche unie met en avant des mesures d’urgence contre la régression sociale… Ces mesures sont un point d’appui face au déluge d’attaques contre les classes populaires… (L’Anticapitaliste, 27 juin 2024)

  4. Le programme de replâtrage du capitalisme français ne doit pas être démasqué, il faudrait au contraire soumettre les organisations d’opprimés et les syndicats au NFP pour qu’ils le complètent, l’enrichissent.

    Ce programme n’est pas encore abouti, il doit être nourri par les forces syndicales et les mouvements sociaux. (L’Anticapitaliste, 20 juin 2024)

  5. Les urnes vont jouer un rôle déterminant, il faudrait voter pour un bloc électoral des partis réformistes avec les partis bourgeois pour éviter le péril « d’extrême-droite », comme si cette collaboration de classe n’avait pas préparé, depuis 1981, la montée du parti fascisant.
  6. Révolution appelle à battre la droite et l’extrême droite dans les urnes. (Révolution, 18 juin 2024)

    Aucune voix ne doit aller ailleurs qu’au Front populaire. (Alternative libertaire, 18 juin 2024)

    Dans l’immédiat, c’est un groupe parlementaire du front populaire qui peut entraver l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement d’extrême-droite en 2024. (L’Anticapitaliste, 20 juin 2024)

    La majorité veut reprendre ses affaires en mains et s’organise pour faire élire ceux qui ont promis de prendre des mesures d’urgence pour ce pays. (Informations ouvrières, 27 juin 2024)

  7. Le NFP n’est pas un instrument de trahison de la classe ouvrière, mais serait une avancée dont l’avenir dépend de ce qu’en feront les masses, il faut simplement le pousser assez fort.

    Sans intervention massive des travailleur/se-s, par les méthodes de la lutte de classe, le gouvernement du Nouveau Front populaire ne réalisera pas la plupart des mesures qu’il promet. (CLAIRE, 16 juin 2024)

    Unité, front populaire, union de la gauche, tous ces débats qui sont sur la table doivent servir à renforcer notre camp. (L’Égalité, 11 juin 2024)

    Nous appelons surtout la jeunesse et le mouvement ouvrier à se préparer à de grandes luttes sociales au lendemain de cette élection, quelle qu’en soit l’issue. (Révolution, 18 juin 2024)

    L’accès du RN à Matignon serait un désastre. Le rempart du moment, c’est le Front populaire. Mais fondamentalement, ce sont les luttes collectives et un mouvement social fort qui constitueront une alternative au libéralisme et au fascisme. (Alternative libertaire, 16 juin 2024)

    C’est maintenant qu’il est possible de se regrouper, de s’organiser, travailleurs, jeunes, militants, associations, syndicats, partis… (Informations ouvrières, 19 juin 2024)

    Gagner nécessite l’action de toutes celles et ceux qui sont attachées à la protection sociale, à la solidarité et à la démocratie. (L’Anticapitaliste, 27 juin 2024)

  8. Donc, si les choses tournent mal, ce serait la faute des masses qui ne seraient pas assez mobilisées.
  9. Social-patriotisme et front populisme, ou front unique ouvrier et auto-organisation des masses ?

    Tous ces semi-réformistes retombent dans le « front populaire de combat », incarnée en France en 1935 par la GR de Pivert, un franc-maçon et un social-démocrate de gauche.

    Pour un Front populaire de combat. Le Front populaire actuel est un rassemblement des masses contre la menace fasciste. Mais la politique actuelle de ses dirigeants freine les possibilités révolutionnaires. (Marceau Pivert, Plateforme constitutive de la GR du PS-SFIO, octobre 1935)

    Tout en multipliant les phrases radicales, Pivert devint membre du gouvernement de Blum en 1936 avant de se rallier piteusement à de Gaulle en 1940.

    Le reste de ce qui se réclame de la révolution (LO, RP, NPA-R, PCOF, LCDP…) reste paralysé devant le Nouveau Front populaire, incapable de tracer une voie prolétarienne. Ils préconisent « des luttes » et « des grèves ». Mais qui a empêché « les luttes » jusqu’à présent de vaincre ? Il faut combattre les bureaucraties syndicales et les partis « réformistes » pour en finir avec les défaites qui font le lit des partis racistes.

    La condition de la victoire du prolétariat est la liquidation de la direction actuelle. Le mot d’ordre de « l’unité » devient, dans ces conditions, non seulement une bêtise, mais un crime. Aucune unité avec les agents de l’impérialisme français et de la Société des nations. À leur direction perfide, il faut opposer les comités d’action révolutionnaires. On ne peut construire ces comités qu’en démasquant impitoyablement la politique antirévolutionnaire de la prétendue « gauche révolutionnaire », Pivert en tête. Des illusions et des doutes à cet égard ne peuvent bien entendu, avoir place dans nos rangs. (Lev Trotsky, « Pour les comités d’action, pas le Front populaire », novembre 1935, Contre le Front populaire, GMI, p. 55)

    En 2023, face à l’offensive de Macron contre nos retraites, les uns comme les autres se sont mis au service des bureaucrates syndicaux, de l’Intersyndicale qui décrétait des « journées d’action », des chefs de la CGT et du SUD qui y ajoutaient des « grèves reconductibles ». Aucune organisation, à part le Groupe marxiste internationaliste, n’a combattu alors au sein des assemblées générales et des syndicats pour la grève générale. Or, la défaite causée par l’Intersyndicale et la NUPES ont pesé lourd dans la montée du RN. La plupart n’arrivent même pas à dépasser les fausses alternatives de l’idéologie dominante (« la gauche »/« la droite », et leurs dérivées « l’extrême-droite »/« l’extrême-gauche »…).

    Face à l’impasse chauvine du PCF et de LFI (protectionnisme, défense de la nation…) et aussi à l’économisme insuffisant de LO, des NPA, de RP, etc. (« lutter », « lutter »), il faut ouvrir une alternative politique, la perspective immédiate de la solidarité avec nos camarades de travail ou d’études étrangers ou issus de l’immigration, des comités d’action et du gouvernement des travailleurs, des États-Unis socialistes d’Europe.

    Aux mots d’ordre de désespoir national et de folie nationale, il faut opposer les mots d’ordre qui proposent une solution internationale. (Lev Trotsky, « Le tournant de l’IC et la situation en Allemagne », 26 septembre 1930, Contre le fascisme, Syllepse, p. 130)

    Il est urgent de renouer avec l’Internationale communiste du temps de Lénine et de Trotsky, avec la 4e Internationale du temps de Trotsky et construire sur cette base un parti ouvrier révolutionnaire.

    De tous les partis et organisations qui s’appuient sur les ouvriers et les paysans et parlent en leur nom, nous exigeons qu’ils rompent politiquement avec la bourgeoisie et entrent dans la voie de la lutte pour le gouvernement ouvrier et paysan. Dans cette voie, nous leur promettons un soutien complet contre la réaction capitaliste. En même temps, nous déployons une agitation inlassable autour des revendications transitoires qui devraient, à notre avis, constituer le programme du gouvernement ouvrier et paysan. (4e Internationale, Programme, 1938, GMI, p. 28-29)

    Assez de tractations sur les circonscriptions et le poste de premier ministre, assez de blocs avec les bourgeois, assez de concessions aux patrons et aux généraux !

    Place au front unique de toutes les organisations ouvrières contre Macron et Le Pen ! Pas une voix pour les partis bourgeois, ni au premier, ni au second tour ! Mobilisation contre les partis racistes (RN, Reconquête) et les groupes fascistes ! Place aux comités d’action dans les entreprises et les administrations, les lieux de formation et d’habitation ! Coordination et centralisation des comités d’action !

    Pour un programme d’action du prolétariat ! Annulation de tous les lois et décrets réactionnaires de Macron, expropriation des groupes capitalistes, licenciement des corps de répression et de l’armée de métier, armement du peuple, libre circulation des réfugiés, étudiants et des travailleurs, suppression de la présidence et du Sénat, indépendance de la Kanaky, gouvernement ouvrier, États-Unis socialistes d’Europe !

    28 juin 2024