Mai 68 (2) Le soulèvement de la jeunesse

TelegramWhatsappTwitter Facebook
L’étudiant a aidé l’ouvrier ; l’ouvrier doit venir en aide à l’étudiant. LénineLa massification de l’enseignement secondaire et dans une moindre mesure de l’enseignement supérieur est la base objective des luttes étudiantes des années 1960 qui, quoique dépendant de la lutte entre les classes fondamentales, présentent une certaine autonomie [voir Révolution communiste n° 28].

Dans certains cas, dont la France, le mouvement étudiant est lié chronologiquement aux luttes ouvrières. Malgré les staliniens, la masse des étudiants, rejoints par de nombreux jeunes travailleurs, protège contre l’État bourgeois les stupides adeptes de « la provocation ». Puis la classe ouvrière défend les étudiants, paralyse le pays et ébranle le capitalisme français voire l’ordre mondial. Cela contrecarre au sein de la jeunesse les tendances petites-bourgeoises situationnistes et anarchistes, même si le « Mouvement du 22 mars » (M22M) et la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR, scission castriste de l’Union des étudiants communistes, à l’origine du NPA et d’Ensemble) succombent à ces dernières tout au long du mois de mai.

20 mars : d’une action anti-impérialiste symbolique à la protestation étudiante

En octobre et novembre 1967, le syndicat étudiant UNEF organise des manifestations massives contre le projet de sélection à l’université du ministre Peyrefitte et du gouvernement De Gaulle-Pompidou. Début 1968, des jeunes ouvriers sont à la tête de grèves et de manifestations à Fougères et à Caen.

À Paris, le 20 mars 1968, le Comité Vietnam national (CVN) attaque l’agence parisienne d’American Express, une action menée en dehors des masses qui évoque le Black bloc d’aujourd’hui, en plus internationaliste. Les tags et le bris de vitres sont peu efficaces contre l’impérialisme américain et encore moins contre leur propre impérialisme, mais ils soudent les jeunes qui y participent et les habituent à ne pas craindre la police.

Sous les coups de barre de fer, la vitrine vole en éclats… Ils sont une centaine à crier au pied de l’Opéra « FNL vaincra ! FNL vaincra ! »… Ils brûlent un drapeau américain avant de s’enfuir vers le métro Opéra. La police n’a pas eu le temps de bouger… Un des militants est revenu sur place pour évaluer les dégâts. C’est Xavier Langlade, étudiant trotskiste de Nanterre. Il est aussitôt embarqué… Dans la nuit, quatre lycéens membres des CVN sont arrêtés chez eux. Au petit matin, Nicolas Boulte, secrétaire national du CVN est lui aussi emmené par les policiers. (Laurent Joffrin, Mai 68, histoire des événements, 1988, Seuil, p. 48)

Pour obtenir leur libération, le 22 mars, une assemblée générale de 700 étudiants de l’université de Nanterre (banlieue ouest de Paris) vote l’occupation du bâtiment administratif. Les situationnistes (qui ont détruit l’UNEF de Strasbourg) et les anarchistes (Daniel Cohn-Bendit, Jean-Pierre Duteuil, Jean-Pierre Montagut…) lancent avec Daniel Bensaïd et Jean-François Godchau (JCR) le « Mouvement du 22 mars » de Nanterre qui reprend les rodomontades du SDS allemand : « À chaque étape de la répression, nous riposterons d’une manière de plus en plus radicale ». Les déclassés n’ont que mépris pour la masse des étudiants et sont, par conséquent, des ennemis jurés du syndicalisme en leur sein.

Dès 1967, nous prônons le boycott des examens parce qu’ils nous préparent à être des cadres, qu’ils sont source de frustration sexuelle et d’angoisse, qu’ils nous infantilisent. (Jean-Pierre Duteuil, Libération, 5 mai 1998)

Leurs comparses de la JCR sont présentés rétrospectivement comme « trotskistes ». En fait, ils émanent du courant pabliste qui a détruit la 4e Internationale en s’adaptant après-guerre au stalinisme alors triomphant. En 1969, ils vont renchérir dans les références à Lénine et à Trotsky pour se faire une place, mais en 1966-1967, la JCR se présentait plutôt comme castriste-guévariste. Tirant le bilan à l’automne 1968, les deux théoriciens de la JCR sont encore sous le charme de l’anarchisme petit-bourgeois.

Dany fait de la provocation, non un exutoire de ses défoulements personnels, mais un pur et redoutable instrument politique. La provocation doit désacraliser les statuts et les fonctions. Elle est un piège tendu à l’Autorité et à la hiérarchie, qui, par leurs réactions, dévoilent leur nature oppressive tout en se couvrant de ridicule. Elle est une arme magnifique de critique sociale et d’éducation des masses. (Daniel Bensaïd & Henri Weber, Mai 1968, une répétition générale, 1968, Maspero, p. 128)

Dans les années 1970, Bensaïd préconisera la guérilla ; dans les années 1980, Weber rejoindra le Parti socialiste (PS) et Cohn-Bendit adhèrera aux Grünen (le parti bourgeois écologiste allemand), soutiendra Macron en 2017. Bouclant la boucle, Bensaïd liquidera en 2009 la LCR pour un parti large, ouvert aux « libertaires ». Ce NPA, devenu plus petit que la LCR, reprend aujourd’hui la critique anarchiste du bolchevisme et capitule devant les « zadistes », qui croient qu’on peut « dépasser le capitalisme » (sic) en fondant des petites communautés à la campagne.

Pour Voix ouvrière (VO, ancêtre de LO), aveugle aux jonctions des étudiants et des jeunes ouvriers à Lyon (décembre 1967), Caen (janvier 1968) et Bordeaux (février 1968), les remous de la jeunesse ne sauraient remettre en question le train-train des bureaucrates syndicaux.

Rarement le « printemps social », selon l’expression consacrée, ne s’est annoncé aussi calme. (Voix ouvrière, 30 avril 1968)

Le 1er mai, les syndicats, qui se contentaient les années précédentes de meetings, appellent à manifester. À Paris, le service d’ordre de la CGT, sur décision du bureau politique du PCF, attaque les cortèges aux drapeaux noirs du M22M et aux drapeaux rouges de l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCML, scission maoïste de l’UEC) dont la banderole titre un mot d’ordre juste quoique très général : « Pour une CGT de lutte de classe » (leurs rivaux du PCMLF dénoncent la CGT comme « syndicat jaune » et… rejoignent la CFDT). Le service d’ordre de l’UJCML, trempé dans des combats contre les fascistes, tient le choc.

3 mai : l’UNEF appelle à la grève générale de l’université

Le 3 mai, le doyen de Nanterre décide la fermeture et convoque 7 étudiants, dont Cohn-Bendit, devant le conseil de discipline. L’appareil du syndicat étudiant UNEF ne constitue pas, au contraire de ceux de la CGT, de la CFDT, de FO et de la FEN, une bureaucratie corrompue par l’État et le patronat. En mai 1968, il est dirigé par le PSU. Le 3 mai, l’UNEF convoque à l’Université de la Sorbonne (faculté de lettres dans le centre de Paris) un meeting de protestation contre la fermeture de Nanterre, les menaces de sanction et l’incendie du local de l’UNEF de la Sorbonne par les fascistes d’Occident. Y participent 400 personnes, dont des militants des ESU (l’organisation étudiante du PSU), de la JCR et de la Fédération des étudiants révolutionnaires (FER, fondée par l’Organisation communiste internationaliste). Autant la JCR est encore plus opportuniste que sa maison-mère, le PCI de Pierre Frank et Michel Lequenne, autant la FER vaut mieux que sa maison-mère, l’OCI de Pierre Lambert, un personnage qui magouille dans l’ombre des appareils syndicaux et des partis réformistes depuis la 2e Guerre mondiale [voir Cahier révolution communiste n° 9, p. 7…]. Cependant, les deux passeront inaperçus en 1968 car le PCI travaille encore à redresser le PCF tandis que l’OCI s’acharne à mettre sur pied des regroupements « larges » avec des anarchistes, des bureaucrates syndicaux et des réformistes.

De leur côté, les étudiants staliniens distribuent à la porte du meeting un tract qui appelle de manière voilée à la répression.

Les responsables gauchistes prennent prétexte des carences gouvernementales et spéculent sur le mécontentement des étudiants pour tenter de bloquer le fonctionnement des facultés et empêcher la masse des élèves de travailler et de passer leurs examens. (UEC, 3 mai 1968)

En fin d’après-midi, à la demande du recteur Roche, la police pénètre à l’intérieur de l’université et arrête les participants du meeting. Mais, dans le Quartier latin (alors peuplé largement d’étudiants), spontanément, des jeunes commencent à se rassembler au cri de : « libérez nos camarades ! ». La police charge brutalement, frappant tous ceux qui se trouvent sur son chemin, passants comme étudiants. Les affrontements font des centaines de blessés.

La télévision aux mains du régime gaulliste censure l’information, mais les radios dont les sièges sont dans des pays voisins retransmettent les événements qui, grâce aux récepteurs radio à transistors sont connus de toute la jeunesse.

Le syndicat étudiant, déserté par la JCR, VO et l’UJCML (qui ont en commun d’être majoritairement composés d’étudiants et de lycéens), lance un mot d’ordre de grève générale dans toutes les universités.

L’UNEF propose aux syndicats enseignants et ouvriers de reprendre le processus unitaire qui s’est opéré dans les faits pendant la manifestation : ouvriers, lycéens et étudiants ont ensemble riposté spontanément avec l’UNEF face à l’agression policière. Contre la répression policière, contre la presse réactionnaire, contre l’Université bourgeoise, grève générale dès lundi jusqu’à la libération de tous nos camarades, participez massivement à la manifestation au Quartier latin à 18 h 30 lundi. (UNEF, 3 mai 1968)

Le principal syndicat des enseignants du supérieur, le SNESup-FEN s’associe. Entre l’État bourgeois et le soulèvement spontané des étudiants, les staliniens n’hésitent pas.

Comment qualifier ceux qui, par leurs agissements irresponsables, leurs violences, leurs injures ont provoqué cette situation… (L’Humanité, 4 mai 1968)

Le tribunal correctionnel juge en fin de semaine les manifestants interpelés par la police. Quatre d’entre eux sont condamnés à 2 mois de prison ferme. Les dirigeants des centrales syndicales ouvrières se taisent. La FER diffuse l’appel de l’UNEF dans les entreprises de la région parisienne, dont Renault.

Lundi 6 mai, la grève touche de nombreuses universités dans tout le pays. À Paris, 20 000 étudiants, lycéens, enseignants, ouvriers manifestent en fin d’après-midi. La police « républicaine » est façonnée par l’anticommunisme et les assassinats de travailleurs algériens.

Gardiens de l’ordre s’acharnant sur des jeunes filles, CRS chargeant des passants, rossant systématiquement des Noirs et des Arabes… Les innombrables brutalités commises dans les commissariats par des gardiens de la paix surexcités commencent à transpirer… (Laurent Joffrin, Mai 68, histoire des événements, 1988, Seuil, p. 88)

Les slogans contre la répression dont le fameux « libérez nos camarades ! » sont repris de tous ; les novices apprennent L’Internationale. Lorsque les manifestants parviennent boulevard Saint-Germain, la police donne l’assaut.

Mais la manifestation ne se disloque pas sous le choc. Les jeunes se défendent. Ils tiennent la rue en dépit des charges furieuses et répétées de la police. Les blessés sont nombreux… Aux matraquages sauvages s’ajoutent les effets des grenades, grenades lacrymogènes, grenades au chlore qui provoquent de graves brûlures, grenades offensives aussi… (François de Massot, La Grève générale, 1969, Selio, p. 36)

Les flics ne parviennent pas à briser la manifestation. C’est seulement à 22 h, lorsque l’UNEF en donne l’ordre, qu’elle se disperse.

Dans les entreprises, l’atmosphère change. Des milliers de travailleurs réalisent que d’une certaine manière, les étudiants ouvrent une brèche. Le secrétaire général de la CGT, membre du bureau politique du PCF, tout en reprenant les calomnies du parti stalinien, est contraint de protester contre la répression.

La violente répression dirigée contre les étudiants indigne les travailleurs. Nous réprouvons et dénonçons les brutalités policières, l’irruption de la police dans l’Université et la fermeture de deux facultés à la veille des examens. Nous exigeons la libération des étudiants emprisonnés. Nous tenons le pouvoir pour le principal responsable. (Georges Séguy, 7 mai 2018)

L’UNEF appelle de nouveau à manifester mardi 7 mai. 60 000 personnes le font, dont de nombreux jeunes ouvriers et employés.

Le 8 mai, s’esquisse, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, une alliance des étudiants, des salariés et d’une frange de la paysannerie avec des manifestations communes CGT-CFDT-FO-FDSEA-CDJA-UNEF sous le mot d’ordre confus « L’Ouest veut vivre ». À Paris, un meeting qui rassemble 20 000 personnes à la Halle aux vins (faculté de sciences) se transforme en une manifestation qui tourne en rond dans le Quartier latin sans objectif.

Le 9 mai au soir, la JCR, dont le journal s’appelle Avant-garde jeunesse, tient un meeting international à la Mutualité avec Ernest Mandel. En guise d’avant-garde, la JCR dissout sa propre initiative dans le « mouvement » et Cohn-Bendit co-préside. L’UJCML intervient pour dire qu’il faut abandonner le Quartier latin, la FER pour proposer une manifestation de tout le mouvement ouvrier au Quartier latin. Bensaïd déclare son accord avec Cohn-Bendit pour s’en remettre à la spontanéité des « comités étudiants » qui « définiront nos actions futures ».

10-11 mai : la répression s’abat sur les jeunes

Le 10 mai, la réouverture de la faculté de Nanterre ne suffit pas à apaiser les étudiants. Les professeurs du SNESup-FEN refusent de faire passer les examens tant que les étudiants arrêtés ne sont pas amnistiés. À l’appel de l’Unef, 30 000 personnes se rassemblent. La manifestation est renforcée par des milliers de lycéens qui ont marché toute la journée à l’appel des Comités d’action lycéens (CAL). Ni le M22M, ni la JCR, ni les ESU n’ont prévu un affrontement.

Vendredi, place Denfert-Rochereau, au moment où la manifestation se formait, nous avons longuement discuté avec les autres organisateurs pour savoir ce qu’on allait faire, où on allait aller. Il ne pouvait plus s’agir d’une simple procession –les étudiants n’auraient pas compris– mais on ne pouvait pas non plus chercher délibérément l’affrontement avec la police, parce qu’on n’envoie pas les gens au massacre. Notre idée était donc d’occuper un lieu, pacifiquement, et d’y rester jusqu’à ce que nos trois revendications –libération de nos camarades, retrait des forces de police du Quartier Latin, réouverture de la Sorbonne– aient été satisfaites… Personne n’avait donné l’ordre de dresser des barricades. (Daniel Cohn-Bendit, Le Nouvel observateur, 15 mai 1968)

L’encerclement de la Sorbonne par les étudiants est pacifique.

Le soir, la manifestation de 30 000 étudiants qui passe devant la prison de la Santé et doit se diriger vers l’ORTF, arrive au Quartier latin. Là, une inspiration spontanée : on occupe le quartier, on érige 60 barricades avec pavés, voitures, grilles d’arbres et matériaux divers. Certaines font plus de deux mètres, c’est la fête. (Rouge, 8 mai 2008)

L’UJCML et la FER déclarent, à juste titre, aux manifestants qui occupent de manière spontanée le Quartier latin que la jeunesse étudiante n’a pas les moyens de vaincre à elle seule le pouvoir.

L’orthodoxie formelle était du côté de nos contradicteurs. Comment imaginer que le mouvement étudiant, sans le concours direct de la classe ouvrière, sans unité des organisations syndicales, puisse engager seul une épreuve de force avec le pouvoir ? (Daniel Bensaïd & Alain Krivine, Mai si !, rebelles et repentis 68 et 88, 1988, La Brèche, p. 20)

Mais elles prennent la décision de les abandonner. En réalité, la direction de la FER est intelligemment partisane de rester avec les manifestants. Mais le bureau politique de l’OCI lui impose le contraire au mépris de l’autonomie de l’organisation de jeunesse [voir Cahier révolution communiste n° 11, p. 25].

Dans la nuit, à 2 h 15, le gouvernement lance la police contre les milliers d’étudiants, de lycéens et de jeunes travailleurs restés sur place : déluge de grenades, matraquage systématique des jeunes, souvent protégés par les habitants du quartier. L’état-major de la JCR se réfugie dans l’École normale supérieure dont l’UJCML lui ouvre les portes.

Au lendemain du 10 mai, la violence gratuite et aveugle a rendu illégitime l’intervention des forces de l’ordre et imposé le terme de « répression ». L’illégitimité tenait à l’occupation d’un espace historiquement dévolu aux étudiants, à l’arbitraire des poursuites et des matraquages, aux atteintes à la dignité d’êtres humains, prenant la forme d’humiliations, de coups et d’injures de tous ordres en particulier à caractère xénophobe, raciste et sexuel. Les filles sont particulière visées… (Philippe Artières & Michelle Zancarini-Fournel, 68, une histoire collective, 2008, La Découverte, p. 215)

13 mai : manifestations massives des travailleurs

Le 11 mai, des universités sont occupées à Paris et Marseille. L’indignation devant la brutalité de la répression oblige les directions syndicales à protester : le 11 mai au matin, les directions syndicales de la CGT, de la CFDT, de la FEN et de l’UNEF décident d’appeler à une grève de 24 heures pour le lundi 13 mai. Dans la soirée, FO et la CGC s’y rallient.

Le Premier ministre annonce, après une entrevue avec le président, la réouverture de la Sorbonne et la libération de tous les manifestants arrêtés.

Je demande à tous, et en particuliers aux responsables des organisations représentatives d’étudiants, de rejeter les provocations de quelques agitateurs professionnels et de coopérer à un apaisement rapide et total. Cet apaisement, j’y suis pour ma part prêt. Puisse chacun entendre mon appel. (Georges Pompidou, 11 mai 1968)

L’appareil stalinien ne peut plus protéger le gouvernement De Gaulle-Pompidou. Néanmoins, il ouvre une porte de sortie à la bourgeoisie : un débat parlementaire, et si cela ne suffit pas, un nouveau front populaire des « partis de gauche ».

Le groupe parlementaire communiste a demandé la convocation extraordinaire de l’Assemblée nationale. Le Parti communiste apporte et apportera son soutien total à la grande riposte unitaire prévue par les organisations syndicales ouvrières, d’étudiants et d’enseignants. Le Parti communiste propose une réunion des partis de gauche. (PCF, Communiqué, 11 mai 1968)

Le 13 mai, 10 ans jour pour jour après le coup d’État du général De Gaulle, dans toute la France, les manifestations sont massives. Aux chansons ou slogans démobilisateurs habituels comme « Il était un petit ministre » chanté sur l’air de la comptine Il était un petit navire, la masse des manifestants préfère L’Internationale et les slogans : « CRS–SS ! », « À bas De Gaulle ! », « À bas l’État policier ! » ou « Dix ans, ça suffit ! ». Pas de drapeau tricolore cher au PS-SFIO et au PCF, ils sont rouges ou noirs.

Le PS-SFIO a alors une influence négligeable. Il s’est dissout depuis janvier dans un bloc électoral, la FGDS, avec des partis bourgeois dont la CIR de François Mitterrand.

La FGDS, dans son ensemble, ne comprend rien à mai 1968. Tout au long des événements, elle est absente, contemplant d’un oeil éberlué la partie de bras de fer entre le PCF et l’extrême-gauche. (Jacques Kergoat, Le Parti socialiste, 1983, Le Sycomore, p. 222)

Par contre, le PCF semble conserver l’hégémonie sur le mouvement ouvrier ; en particulier, il contrôle étroitement la CGT. D’une part, il explique que le gouvernement peut céder ; d’autre part, il prépare une issue bourgeoise, avec une « entente des partis de gauche » (le PSU et la FGDS), au cas où les masses le renverseraient malgré tout.

Le mouvement est capable d’imposer à la fois les mesures d’urgence que la situation de l’Université appelle et la satisfaction des revendications ouvrières les plus pressantes. Si l’entente des partis de gauche ouvre demain une perspective claire, les jours du régime de pouvoir personnel sont comptés. (PCF, Communiqué, 14 mai) 1968

Au soir du 13, le gouvernement et l’appareil stalinien pensent avoir évité le pire en lâchant un peu de vapeur. Tout semble se mettre en place pour un retour à l’ordre. Confiant, De Gaulle s’envole pour la Roumanie.

20 mai 2018