Hollande et Valls ouvrent la voie à la réaction

Cinq ans de collaboration de classe désorientent les travailleurs

À l’approche des échéances électorales de 2017, le gouvernement n’a pas changé de politique. Le projet de budget de la Sécurité sociale prévoit 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires, celui de l’Etat fait cadeau de 3 milliards d’euros supplémentaires aux capitalistes (CICE), sans compter la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les PME. Il économise 2,7 milliards d’euros de plus sur les dotations aux collectivités locales, mais alloue 2 milliards supplémentaires à l’armée, la justice et la police.

Avec Hollande et Valls, pas d’austérité pour l’appareil de répression de l’État ! Ni pour les interventions impérialistes et la marche à l’État policier opérée grâce à l’union nationale de tous les partis, des organisations patronales et des syndicats au moment des attentats islamistes. En retour de ses largesses, le gouvernement obtient des manifestations hostiles de flics noyautées par le FN et les groupes fascistes.

Alors qu’elle matraquait les jeunes et les ouvriers qui protestaient contre le projet de loi Hollande-El Khomri, les chefs de FO et de la CGT défendaient la police [voir Révolution communiste n°17 & 18]. Leurs adjoints de la « gauche radicale » continuent à plaindre les flics qui défilent avec le drapeau tricolore, chantent l’hymne national et demandent la démission du ministre de l’Intérieur PS.

Ils sont en première ligne pour constater la dégradation sociale et, au sens propre comme au sens figuré, la prendre en pleine figure. (LO, 19 octobre)

Si les corps de répression (armée, police…) reçoivent augmentations et primes, les chômeurs, les travailleurs précaires et de nombreux étudiants subissent une véritable paupérisation.

Parmi la population qui gagne moins de 1 200 euros par mois, la moitié des personnes déclare avoir renoncé ou reporté de plusieurs mois une consultation chez un dentiste. Une situation qui a augmenté de 22 points de pourcentage depuis 2008 ! De même, 39 % ont renoncé ou reporté leur rendez-vous chez un ophtalmologue, une augmentation d’un tiers depuis le début de la crise. Le baromètre fait aussi ressortir que 42 % de ces personnes ont renoncé ou reporté l’achat de lunettes ou de lentilles de contact, soit 5 points de pourcentage de plus qu’il y a huit ans. (Secours populaire, 6 septembre)

Le gouvernement s’en prend aux pauvres en cherchant à modifier le mode de calcul des APL, ce qui pourrait toucher 650 000 foyers. Malgré les exportations d’armes auxquelles s’emploie le gouvernement, les cadeaux aux patrons et les attaques contre les acquis sociaux, le capitalisme national surmonte difficilement la crise mondiale de 2008-2009. En plus, le contexte mondial devient, de nouveau, incertain. La croissance française devrait se limiter en 2016 à 1,3 % (Insee, Note de conjoncture, 7 octobre), ce qui laisse le chômage à un niveau élevé : près de 6,2 millions de personnes toutes catégories confondues à la dernière estimation (Dares, Indicateurs, 26 septembre). En outre, un certain nombre de fleurons du capitalisme français sont ébranlés par la concurrence mondiale : EdF, Air France-KLM, Areva, Alstom…

Prenant appui sur toute la politique poursuivie pendant cinq ans par Hollande et ses gouvernements Ayrault et Valls, sur toutes les attaques portées contre la classe ouvrière et la jeunesse, les candidats des partis bourgeois à l’élection présidentielle pensent désormais avoir le champ libre. Ceux du principal parti de la bourgeoisie, Les Républicains, peuvent librement se livrer à une surenchère de propositions réactionnaires ; celle du parti fascisant, le Front national, peut renchérir dans le nationalisme et la xénophobie.

Les partis bourgeois se sentent des ailes car le principal parti issu historiquement de la classe ouvrière, le PS, n’a pas cessé de servir la classe capitaliste à la présidence, au gouvernement, au parlement, ce qui désoriente les travailleurs. Ils bénéficient aussi du manque de crédibilité des autres partis issus de la classe ouvrière, le Parti de gauche et le Parti communiste français, qui se déchirent entre eux mais restent d’accord pour défendre « la France » (c’est-à-dire le capitalisme français) et « la République » (c’est-à-dire l’État de la bourgeoisie). Les partis bourgeois savent que le combat contre la loi travail a été conduit à la défaite par les directions syndicales CGT, FO, Solidaires, FSU, UNEF, comme auparavant celui pour défendre les retraites, par une technique éprouvée mêlant les négociations de ce dont les manifestants réclamaient pourtant le retrait total avec la litanie des journées d’action en culs-de-sac, dressées contre la recherche de la grève générale. Cette trahison a reçu l’aide du PCF, du PdG, de LO, du NPA, du POID, d’AL…

Ainsi, le 15 septembre, la quatorzième « journée d’action » appelée par les bureaucrates syndicaux a entériné l’adoption de la loi par l’Assemblée le 6 juillet. Pourtant la direction de la CGT s’en réjouit : « L’appréciation de la réussite de cette journée est unanime » (communiqué CGT, 5 octobre). Tout comme est passé inaperçu l’appel à la grève de 24 heures le 8 septembre par l’intersyndicale de l’enseignement du 2nd degré, après que la réforme du collège a fini d’être mise en place malgré l’opposition des enseignants qui ont été laissés par les directions syndicales sans perspective de combat réel contre le gouvernement.

Dès lors, de reculs en défaites, les travailleurs et les jeunes, s’ils voient les coups pleuvoir, n’aperçoivent guère d’issue sur le terrain des combats de classe. Dans ces conditions, les vrais réactionnaires, les réformistes sans réformes et les faux révolutionnaires placent dès maintenant l’élection présidentielle d’avril-mai 2017 comme le seul horizon politique.

Les actions prévues le 15 septembre permettront d’affirmer que, si la loi travail est passée au Parlement, elle n’est pas passée dans les têtes, et que son application sera combattue. Mais cette conscience de classe, la dignité et les intérêts des travailleurs peuvent et doivent aussi s’exprimer dans la campagne électorale. (Lutte ouvrière, 2 septembre)

Les défaites, selon les associés de Martinez, n’atteindraient pas les intérêts des travailleurs, ni leur dignité, ni leur conscience de classe. Les prolétaires devraient désormais se concentrer, pour six mois, sur le calendrier électoral et sur la candidature de LO. En réalité, toute défaite retentissante de la classe ouvrière encourage la classe capitaliste à porter d’autres coups, sans attendre les élections, et renforce l’emprise politique de ses représentants , FN ou LR, sur la fraction arriérée des masses populaires.
La société bourgeoise, comme on le sait, est construite de façon à ce que les masses non possédantes, mécontentes et trompées, se trouvent en bas, tandis que les trompeurs satisfaits sont en haut. C’est aussi suivant ce principe qu’est construit tout parti bourgeois, s’il est vraiment un parti, c’est-à-dire s’il comprend la masse dans des proportions assez considérables. (Trotsky, Critique du programme de l’IC, juin 1928)

Les annonces des candidats du principal parti bourgeois : démultiplier les attaques au compte des capitalistes

Hollande et Ayrault avaient créé en 2013 le CICE qui a depuis distribué environ 50 milliards aux entreprises. Les candidats LR leur promettent de nouvelles baisses de cotisations sociales, la baisse de l’impôt sur les sociétés, sans parler de la suppression de l’ISF. Comment financer ces largesses aux patrons et aux plus riches ? En augmentant la TVA, répondent par exemple Fillon et Juppé.

Hollande, Valls et Cazeneuve ont ouvert la chasse aux Roms, érigent des murs à Calais, démantèlent les camps de migrants au petit matin, soutiennent les maires qui insufflent le racisme jusque sur les plages à coups d’arrêtés anti-burkini ; Sarkozy de son côté multiplie les déclarations sur les dangers de l’immigration, sur l’identité française menacée :

Il nous faudra réduire drastiquement le nombre d’étrangers que nous aurons à accueillir chaque année.

Hollande, Valls et El Khomri mettent en place la loi travail qui inverse la hiérarchie des normes entre accord de branche et accord d’entreprise, le bénéfice pour la bourgeoisie en sera décuplé promettent Sarkozy, Fillon, Juppé et consorts qui veulent en profiter pour exploser la durée légale du temps de travail. Cazeneuve et Valls envoient les forces de l’ordre matraquer les manifestants, font poursuivre et condamner ceux qui ont osé s’opposer aux plans patronaux à Goodyear ou à Air France, en écho Sarkozy avertit :

Toute occupation illicite de place sera immédiatement empêchée et les zadistes seront renvoyés chez eux. En cas de dégâts sur la voie publique à la suite d’une manifestation à laquelle ils auraient appelé, les syndicalistes devront régler les dommages sur leurs propres deniers.

Dans les programmes des candidats LR, tout y passe : tous sont partisans de la réduction drastique de la dépense publique, tous veulent supprimer par centaines de milliers des postes de fonctionnaires. Tous entendent désormais reculer l’âge légal de départ à la retraite, jusqu’à 65 ans, voire 67 ans, tous veulent en finir avec les régimes spéciaux, aligner les retraites de la Fonction publique sur celles du privé. Économies, coupes claires, sauf pour les généraux, car tous prévoient de verser des milliards supplémentaires, des avions, porte-avions, hélicoptères, des nouvelles brigades et unités afin de poursuivre avec les moyens nécessaires les menées impérialistes de la bourgeoisie française, largement engagées par Hollande, Valls et Le Drian, que ce soit au Mali, en Irak, en Syrie et en Libye.

Comme les candidats à la candidature de LR sont en concurrence et s’adressent à leur électorat, ils dévoilent, du moins en partie, ce qu’ils comptent faire. Comme le FN n’a jamais gouverné et a une chef incontestée, il peut mentir beaucoup plus.

Les promesses du FN aux salariés sont inconciliables avec celles aux petits patrons

L’autre parti de la bourgeoisie postulant à la victoire, le Front national, s’adresse aux salariés, à condition qu’ils soient nationaux et aux petits patrons, dans la tradition fasciste. Le FN est aidé par le discrédit complet du PS… après ces dernières années de bons et loyaux services au compte de la bourgeoisie. Il est aidé par le sabotage des luttes par les bureaucraties syndicales. Il est aidé par l’idéologie social-patriote des uns comme des autres, sans oublier le chauvinisme de Mélenchon, candidat autoproclamé pour qui l’ennemi est à Berlin, qui n’a pas condamné l’arrêté antimusulman du maire de Cannes et qui est d’accord avec les quotas d’immigrés.

À des moments, l’immigration est une chance, à d’autres non… Je n’ai jamais été pour la liberté d’installation, je ne vais pas commencer aujourd’hui. (Mélenchon, Le Monde, 25 août)

Le FN s’est positionné contre le projet de loi travail, mais en lui reprochant de léser les petits patrons.

Seules les grandes entreprises, qui disposent d’une représentation syndicale, pourront appliquer cette dérégulation du code du travail, leur accordant ainsi un avantage concurrentiel au détriment des petites entreprises qui représentent pourtant l’essentiel du tissu économique du pays. (Le Pen, Communiqué, 19 février)

Pour le FN, l’inspiration de ce projet n’était pas le patronat français, mais l’étranger.

La loi El Khomri n’est que le nom donné à une exigence de l’Union européenne. Quand on ferraille contre cette loi, il faut donc aussi ferrailler contre l’Union européenne. (Le Pen, Communiqué, 9 mars)

Le parti xénophobe veut séduire des chômeurs, des ouvriers et des employés, en leur promettant monts et merveilles, comme avant lui le parti fasciste italien, le parti nazi allemand. Mais pas n’importe quel travailleur : le français contre l’étranger, contre l’immigré qui n’aura plus de prestations sociales, ni guère d’emploi à cause de la « préférence nationale ». Le programme du FN sauce Marine promet d’augmenter les bas salaires, de revaloriser les pensions de retraites, de baisser les prix du gaz et de l’électricité, etc. Mais comment payer tout cela sans nuire à la compétitivité du capitalisme français ? Simplement grâce à la politique monétaire du futur gouvernement Le Pen.

La chef du FN a découvert une solution miraculeuse permettant de concilier les intérêts des salariés et des capitalistes en restaurant le franc. L’État pourra ainsi emprunter à volonté à la Banque de France. En fait, toute l’expérience montre que cela entraine immanquablement la dépréciation de la monnaie nationale et l’inflation dans le pays concerné [voir Révolution communiste n° 5].

L’autre volet du programme économique du FN, sa grande affaire, est le protectionnisme.

L’instauration d’une Contribution sociale aux importations de 3 % sur la valeur des biens importés. (Le Pen, Mon projet pour la France et les Français, 2012, p. 2) ; Une protection intelligente aux frontières sera mise en œuvre pour lutter contre la concurrence déloyale des pays à très bas coût de main d’œuvre et les délocalisations qui en sont la conséquence. (p. 3) ; L’État et les administrations françaises auront l’obligation d’acheter auprès des entreprises françaises. (p. 3)

Comme si les grandes entreprises françaises qui produisent à l’étranger n’allaient pas être pénalisées, quand elles importent en France, à la grande joie de leurs concurrentes américaines, allemandes, chinoises, etc. Comme si les autres États n’allaient pas en retour taxer immédiatement toutes les exportations, précipitant la rétraction des échanges internationaux, le marasme économique, les licenciements et le chômage.

Le FN n’est radical que contre les réfugiés, les travailleurs et les étudiants étrangers, mais il ne l’est jamais contre les capitalistes. En réalité, le programme économique du FN est une chimère qui s’adresse avant tout aux petits patrons qui sont souvent les plus féroces exploiteurs, que le développement du capitalisme rejette impitoyablement aux arrières-postes et qui rêvent de retrouver la sécurité derrière les frontières et les barrières douanières. Mais, si Le Pen arrivait au pouvoir, elle gouvernerait au compte du grand capital français. L’affaire Alstom le montre déjà.

Alstom : du PCF au FN, le « produisons français » contre l’expropriation du groupe

Le 7 septembre, la direction du groupe Alstom annonce la fermeture du site de Belfort, près de 500 emplois sont en jeu. Les travailleurs se mobilisent, mais la direction de la CGT les emmène sur une voie de garage, sur la ligne de la confiance dans l’État bourgeois et du « produisons français », exhortant le gouvernement Hollande à bricoler des mesures protectionnistes pour garantir le choix de produits français.

Comme si le capitalisme français, qu’il n’est nulle part question de remettre en cause pour la CGT, avait les moyens d’imposer aux autres bourgeoisies une telle politique protectionniste sans s’attirer des mesures de rétorsion immédiates bien pires encore. Montebourg (PS, candidat aux primaires de « la gauche ») est sur la même ligne, Mélenchon (candidat par-dessus la tête du PCF et de son propre parti, le PdG) également, qui préconise la nationalisation de la branche ferroviaire du groupe, afin que l’État défende « les fleurons industriels français », capitalistes bien entendu. Mélenchon, ex-ministre de Jospin, reste fidèle à Mitterrand et au gouvernement PS-PCF-MRG qui avaient grassement indemnisé les actionnaires des entreprises nationalisées en 1981-1982 (avant de bloquer les salaires en 1983).

Pour la bourgeoisie et ses partis, il y a trop d’État quand il fait des concessions aux travailleurs. Par contre, il faut secourir avec l’argent public les capitalistes en difficulté. Debord, au nom de LR, défend l’aide de l’État en 2004 octroyée par Chirac et Sarkozy et se plaint du manque de commandes de la SNCF (12 septembre). Elle oublie de mentionner que le plan de sauvetage, approuvé par l’Union européenne, dépeçait le groupe (les turbines industrielles à Siemens, la division transmission et distribution d’énergie à Areva), qu’il avait coûté 720 000 euros, et comprenait la suppression de 8 400 emplois. Le FN regrette que le groupe n’ait pas été nationalisé contre indemnités et il demande de passer des commandes publiques à l’entreprise privée (12 septembre).

Les commandes à l’usine de Belfort du groupe Alstom diviseraient les travailleurs si elles se faisaient au détriment de l’usine de Crespin (Nord) du groupe canadien Bombardier ou de celle de Bagnères-de-Bigorre (Hautes Pyrénées) du groupe espagnol CAF. Et il est scandaleux que l’argent public serve aux profits d’une entreprise capitaliste et aux dividendes de ses actionnaires.

Pourtant, craignant de s’accrocher une énième casserole qui le précipiterait plus bas encore, Hollande finit par imposer un bricolage baroque consistant à ce que l’État commande directement une quinzaine de rames de TGV supplémentaires pour rouler sur des lignes réservées aux trains ordinaires, opération irrationnelle dont la validité au regard des règles de la concurrence de la France et de l’UE n’est pas plus assurée que les mesures protectionnistes préconisées par les uns ou les autres… Très provisoirement, les emplois sont donc préservés, mais tous les travailleurs savent que ce type d’engagement passe rarement les échéances électorales.

Pour une solution radicale, anticapitaliste, révolutionnaire et internationaliste

La seule orientation en défense des travailleurs d’Alstom, c’est : grève générale du groupe, occupation des usines, comités de grève, aucune suppression de postes, interdiction des licenciements, expropriation sans indemnité ni rachat du groupe, contrôle ouvrier dans tout le groupe, gouvernement ouvrier pour organiser des transports publics conformes aux besoins ! Pareil pour PSA.

Moins que jamais la prochaine élection présidentielle ne constituera une issue pour la classe ouvrière et la jeunesse. Beaucoup de choses peuvent encore intervenir d’ici le mois de mai prochain, au plan national comme international, qui peuvent bousculer la chronique d’une victoire annoncée pour Juppé, Sarkozy ou Le Pen.

En tout cas, l’optimisme des partis bourgeois se nourrit de la crise du capitalisme parce qu’ils n’ont pas face à eux de parti révolutionnaire pour affirmer haut et fort l’exigence impérieuse pour la classe ouvrière et la jeunesse de prendre le pouvoir, d’abattre le capitalisme, pour affirmer haut et fort l’internationalisme prolétarien, la solidarité ouvrière internationale, le nécessaire combat pour en finir avec les frontières, pour le socialisme mondial…

20 octobre 2016