Ni islamistes, ni généraux ! Gouvernement ouvrier et paysan !

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Après des jours de manifestations gigantesques, d’une ampleur encore jamais vue dans le pays, rassemblant plus de 20 millions de personnes, l’état-major a décidé de destituer le président Morsi avant que le peuple ne le fasse lui-même.

Le ministre égyptien de la Défense Abdelfattah al-Sissi a prévenu : « Le conflit entre les forces politiques risque de conduire à l’effondrement de l’État ». (Reuters, 29 janvier)

L’armée, pilier de l’État bourgeois

L’armée égyptienne est ouvertement l’axe de l’État bourgeois depuis Nasser. Lorsque les masses ont engagé leur combat pour chasser Moubarak fin 2010, l’armée a participé à toutes les manœuvres pour tenter de le protéger, dont l’épisode sanglant dit de « la bataille des chameaux » contre les manifestants de la place Tahrir. Toutes ces tentatives étant restés vaines face à la montée révolutionnaire des masses, l’armée avait dû alors, probablement sur ordre de l’impérialisme américain, se résoudre à arrêter Moubarak pour préserver l’État bourgeois et tenter de calmer les masses.

Après 17 mois de pouvoir assuré par le « Conseil suprême des forces armées », marqué par la répression et les arrestations, lors des élections que les généraux ont organisées, leur candidat  ancien ministre de l’aviation et dernier premier ministre de Moubarak fut battu. L’armée était alors contrainte,de céder la place à Morsi, candidat du parti des Frères musulmans, élu le 17 juin 2012 sous l’étiquette de PLJ avec 51,7 % des voix mais plus de 50 % d’abstentions.

Morsi, une solution de rechange pour la bourgeoisie

Comme Khomeiny en 1979 en Iran, Morsi avait reçu le soutien de la quasi-totalité des organisations se réclamant de la démocratie, voire de la révolution, au nom d’un supposé anti-impérialisme ou du vote utile contre le retour de Moubarak. Il avait même été qualifié « d’aile droite de la révolution » par les soi-disant trotskystes des Socialistes révolutionnaires alors que les Frères musulmans avaient été les derniers à se rallier au mouvement contre Moubarak dans l’intention d’empêcher toute tentative de poursuivre la révolution et d’écraser la classe ouvrière et la jeunesse !

Sous les félicitations et les encouragements de Washington, Morsi s’est aussitôt empressé de livrer les universités aux bigots, de persécuter les coptes, de réprimer les grèves, d’arrêter les militants ouvriers. Il a dissous le Parlement, puis fait rédiger une constitution renforçant la domination des bourgeois islamistes, faisant de la charia la source du droit, tout en garantissant à l’armée son énorme budget et sa place significative dans l’économie capitaliste.

L’opposition bourgeoise se regroupait dans le Front du salut national (FSN), un conglomérat allant d’anciens ministres de Moubarak à des organisations se disant révolutionnaires (M6A) en passant par des nationalistes nassériens et des « démocrates » pro-impérialistes. Le FSN cherchait alors un terrain d’entente avec Morsi et les Frères musulmans, réclamant de partager le pouvoir avec eux dans un « gouvernement de salut national », signant le 31 janvier 2013 un accord « contre les violences »avec le parti des Frères musulmans, le PLJ, c’est-à-dire avec ceux-là mêmes qui organisent et payent les bandes islamo-fascistes !

Loin d’émanciper l’Égypte de l’impérialisme, Morsi s’est trouvé suspendu aux prêts du FMI qui exigeait des coupes sombres dans les subventions aux produits et services de base qui seuls permettent à une majorité de la population d’échapper à la famine. Face à la persistance de la crise économique, au chômage (15 % officiellement, en fait bien plus), à l’inflation qui s’abattent sur les masses paysannes et ouvrières, Morsi voulait réduire de moitié les subventions à l’énergie et aux produits alimentaires tout en augmentant les taxes sur d’autres marchandises (boissons, acier, ciment…).

Un coup militaire préventif contre la révolution sociale

Devant les manifestations et les grèves ouvrières massives de l’automne dernier, Morsi avait dû retirer le décret qui lui conférait les pleins pouvoirs, mais il parvenait à faire adopter en décembre 2012 sa constitution par référendum avec moins de 33 % de participation et nombre de fraudes.

Au début 2013, de nombreuses révoltes spontanées à Port-Saïd et Alexandrie s’en sont pris aux gouverneurs, à la police et même au siège des Frères musulmans. Les travailleurs du transport ferroviaire sont entrés en grève le 7 avril. L’armée a réquisitionné les cheminots dès le 2e jour. Ceux-ci ont refusé la réquisition. L’armée a emprisonné 96 cadres de la grève au 3e jour et fait appel aux retraités et aux travailleurs du métro du Caire, lesquels ont refusé de briser la grève. Le 4e jour, les grévistes ont été libérés et le travail a repris, avec la promesse d’augmenter, en juillet, les salaires.

A peine plus d’un an après l’élection de Morsi, les masses égyptiennes, dans un formidable élan révolutionnaire, se sont rassemblées pour le chasser. C’est contre cet élan révolutionnaire, pour préserver l’État bourgeois que les généraux égyptiens ont organisé leur coup d’État et arrêté le président. Ce putsch des généraux de Moubarak a le soutien tacite du gouvernement américain et ouvert du FSN.

Ce à quoi l’Égypte assiste en ce moment n’est en aucun cas un coup d’État militaire. C’était une décision nécessaire que la direction des forces armées a prise pour protéger la démocratie, préserver l’unité et l’intégrité du pays et restaurer la stabilité. (FSN, Communiqué, 4 juillet)

Pour l’armement du peuple, pour le gouvernement ouvrier et paysan

Les puissances impérialistes et les États voisins, à commencer par le gouvernement bourgeois islamiste de Tunisie, tremblent devant la puissance des masses égyptiennes. Mais sans direction révolutionnaire, malgré leur formidable mobilisation, celles-ci restent prisonnières des forces attachées au maintien de l’ordre bourgeois.

Malgré tous ceux qui leur conseillent de remettre leur sort aux mains des militaires ou des islamistes, les masses doivent organiser elles-mêmes leurs syndicats, leurs conseils, leurs comités, leurs milices d’autodéfense dans les usines, les universités, les quartiers, les villages…

Il faut bâtir un parti ouvrier révolutionnaire qui permette aux travailleurs d’approfondir la révolution et d’en tirer les fruits, qui combatte ouvertement pour le gouvernement des conseils ouvriers et populaires qui seul pourra satisfaire les revendications économiques et politiques en expropriant les grandes entreprises capitalistes, en remplaçant les grandes propriétés foncières par des coopératives agricoles, en désarmant les corps de répression de la bourgeoisie (armée, police, milices islamistes).

7 juillet 2013
Bureau international du Collectif révolution permanente