Lettre du GMI au courant Front unique de la FSU

groupe marxiste internationaliste
section française du collectif révolution permanente

Date : 1er mars 2015

Pour : Courant des militants pour le Front unique des syndicats de l’enseignement public

Objet : Constitution d’une liste FU pour le congrès FSU et les congrès de ses syndicats

Chers camarades,

L’ex-CCI(T) qui a créé, avec l’ex-GB, le Groupe marxiste internationaliste (section française du Collectif révolution permanente) soutenait le courant Front unique de la FSU car il avançait la nécessité de l’unité des organisations syndicales de ce secteur, exigeait la rupture de toutes les directions syndicales avec le gouvernement bourgeois en place et appelait à défaire le gouvernement dans toutes ses attaques contre les travailleurs en France et dans le monde.

Nous constatons que votre activité dans la fédération FSU est une nouvelle fois limitée par les mesures bureaucratiques de la direction actuelle de cette organisation syndicale

Dans quelques mois, la FSU renouvelle ses instances dirigeantes. Pour que cette orientation de rupture avec le gouvernement puisse être soumise au vote des syndiqués, nous invitons tous les syndiqués de la FSU à se porter candidats sur la liste « Front Unique ». (Lettre de liaison n°242, 23 février 2015)

Toutefois, la constitution d’une liste ne peut suffire à combattre efficacement et expulser les bureaucraties syndicales. Une orientation de lutte de classe ne se borne pas à la rupture des directions avec le dialogue social, elle rejette toute soumission au parlementarisme bourgeois, elle inclut la perspective de la grève générale et l’auto-organisation des masses en lutte.

1. Tout d’abord, sur la nécessité que les directions syndicales rompent avec le dialogue social, vous semblez, quasi systématiquement, penser que c’est préalable nécessaire sans lequel rien ne peut avancer. Personne ne peut fixer dans le détail l’avenir. Évidemment, le refus par la direction de la FSU du dialogue social compliquerait la politique de trahison des autres bureaucraties et faciliterait la lutte mais il faut aussi prévenir les travailleurs que ces directions défendent bec et ongles le capitalisme, qu’elles trahissent la classe ouvrière de mille et une manières, et pas seulement par le dialogue social, et qu’elles ne cèdent qu’avec la lutte de masse et les méthodes de la révolution prolétarienne. Il existe de nombreux exemples dans la lutte de classes où si les bureaucraties ouvrières ont fait mine de rompre à cause de la puissance politique de la grève, elles ont repris très vite le chemin du dialogue social quand la lutte est retombée.

En outre, les syndicats français, tout en continuant à se fragmenter, ne regroupent qu’une partie réduite des salariés (7 % ?).

Les syndicats, même les plus puissants, n’embrassent pas plus de 20 à 25 % de la classe ouvrière et, d’ailleurs, ses couches les plus qualifiées et les mieux payées. La majorité la plus opprimée de la classe ouvrière n’est entraînée dans la lutte qu’épisodiquement, dans les périodes d’essor exceptionnel du mouvement ouvrier. A ces moments-là, il est nécessaire de créer des organisations ad hoc, qui embrassent toute la masse en lutte : les comités de grève, les comités d’usine et, enfin, les soviets. (Léon Trotsky, L’agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, 1938)

Donc, il faut pour FU :

  • avancer systématiquement la revendication d’une seule centrale, démocratique, de lutte de classe, dont les syndicats doivent regrouper tous les travailleurs de l’entreprise et de la branche (et non les séparer par métier) ;
  • proposer inlassablement aux travailleurs de s’organiser en véritables comités, avec l’élection démocratique de délégués et que ces comités se centralisent tout en intégrant les organisations syndicales ouvrières. Telle est, selon nous, le véritable sens de la lutte pour la rupture avec la bourgeoisie et pour le front unique ouvrier. Le rapport est dialectique entre exiger la rupture et avancer la nécessité de l’auto-organisation et de l’auto-défense des masses. L’un ne va pas sans l’autre.

Tous les mots d’ordre de combat (contrôle ouvrier, milice ouvrière, armement des ouvriers, gouvernement ouvrier et paysan, socialisation des moyens de production) sont indissolublement liés à la création de soviets. (Léon Trotsky, La nouvelle montée et les tâches de la 4e Internationale, 3 juillet 1936)

2. Nous constatons aussi que vous taisez régulièrement l’exigence que les directions syndicales appellent à la grève générale quand un mouvement de masse se dessine. Pourtant, là encore il existe une dialectique évidente entre l’organisation par les bureaucraties ouvrières de journées d’actions, de grèves partielles, sectorielles, reconductibles et le refus de ces bureaucrates d’appeler à la grève générale. Il existe de nombreux exemples de luttes ouvrières qui ont buté sur cette politique contre-révolutionnaire.

Bien sûr, la grève générale ne suffit pas, contrairement à ce que pensent les anarchistes, il faut l’accompagner d’une perspective politique révolutionnaire. Encore moins, nous ne pouvons prendre au sérieux la bureaucratie FO qui bavarde sur la grève générale qu’elle réduit à une journée apolitique et l’oublie brusquement quand celle-ci est possible contre le gouvernement bourgeois en place.

Mais taire la nécessité de la grève générale alors que les directions syndicales orchestrent régulièrement des journées d’action impuissantes et démoralisantes est une erreur. L’exigence aux directions syndicales d’appeler à la grève générale quand un secteur est en grève c’est, comme l’auto-organisation des masses en lutte, le moyen de rompre le dialogue social qui a besoin des journées d’action qui conduisent à la défaite de la lutte.

3. Enfin, depuis l’élection de Hollande et les élections législatives qui ont suivi, le courant FU affirme que la majorité des députés PS PCF est un point d’appui, une solution pour défaire le gouvernement PS-PRG. En septembre dernier, FU a appelé à ce que les directions syndicales appellent à manifester lors de vote à l’Assemblée nationale. Ce qui est juste. Mais elle lui donne un sens parlementaire en partant de l’existence de la majorité parlementaire pour que s’opère la défaire du gouvernement et que soit repoussé le budget 2015 :

Il faut donc imposer à cette majorité du PS et du PCF de refuser de voter le budget 2015 et la loi de financement de la Sécurité Sociale qui concentrent les attaques du gouvernement contre les travailleurs. C’est la responsabilité des dirigeants syndicaux d’organiser le combat dans ce sens, ce qui signifie : appeler les travailleurs et les jeunes à manifester massivement à l’Assemblée nationale au moment de la discussion budgétaire en octobre, dans ce but. (Lettre de liaison n°234, 17 septembre 2014)

Cette invocation d’une fictive « majorité PS-PCF » qui fait dépendre la défaite d’un gouvernement d’une pression suffisante sur une majorité de députés est opportuniste.

Tout d’abord, tout en se situant du point de vue de la démocratie bourgeoise, la « ligne de la démocratie » néglige le phénomène international de desserrement des liens entre le travaillisme, la social-démocratie et le stalinisme avec le prolétariat et ignore le fait que les partis réformistes n’ont en France, à cause de leur politique, plus de majorité électorale, comme le prouvent (et le prouveront) toutes les consultations ultérieures.

Ensuite, vu sa nature et sa place, FU doit s’adresser aux partis en même temps qu’aux organisations syndicales.

Enfin, et c’est le plus important, le front unique ouvrier est une tactique découle du fait que des partis ouvrier bourgeois conservent la direction de la classe ouvrière. Elle ne part en aucun cas de la composition du Parlement.

Les bolcheviks-léninistes rejetèrent résolument le mot d’ordre de « gouvernement ouvrier et paysan » dans son interprétation démocratique-bourgeoise. Ils affirmèrent et ils affirment que, si le parti du prolétariat renonce à sortir des cadres de la démocratie bourgeoise, son alliance avec la paysannerie aboutira simplement à soutenir le capital. (Léon Trotsky, L’agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, 1938)

À l’opposé, la logique de la « ligne de la démocratie » est d’interdire aux révolutionnaires prolétariens des candidatures contre les sociaux-patriotes au prétexte qu’elles gêneraient la formation d’une « majorité » (réformiste) au Parlement.

Certes, les révolutionnaires prolétariens tiennent compte des illusions, mais ils ne les propagent jamais. La tactique du FUO tient compte des illusions d’une partie des masses envers les directions « réformistes ». Si on tient compte de la situation concrète française, les illusions des masses à l’égard des partis ouvriers bourgeois PS et PCF ont actuellement considérablement reculé, à l’épreuve des faits. De plus, les révolutionnaires prolétariens qui proposent le front unique ouvrier ne reprennent d’aucune manière le programme de la démocratie bourgeoise (en fait de défense de leur État bourgeois) des sociaux-patriotes.

Les classes ne consentent jamais à perdre leur avoir, leur pouvoir et leur honneur au jeu du parlementarisme démocratique. Elles résolvent toujours la question sérieusement. (Léon Trotsky, Entre l’impérialisme et la révolution, 1922)

Les révolutionnaires prolétariens proposent l’action réelle aux organisations de masse de la classe ouvrière, pas des combinaisons parlementaires, parce que c’est une tactique pour affaiblir l’influence des agences de la bourgeoisie et construire une direction alternative, qui ne peut être qu’internationale.

Le mot d’ordre du gouvernement ouvrier en France n’est pas un mot d’ordre de combinaisons parlementaires. (Léon Trotsky, Le Gouvernement ouvrier en France, 30 novembre 1922)

Nous appelons donc le courant FU à porter à la connaissance de tous les membres de FU cette contribution, à ouvrir la discussion sur ces points dans le but de raffermir son assise, convaincre des militants d’autres syndicats et des travailleurs non-syndiqués, et à convoquer une assemblée générale du courant.

Pour s’orienter correctement et se développer, Front unique doit, à notre avis, suivre les précieux conseils de Trotsky.

Cela signifie-t-il qu’à l’époque impérialiste, il ne peut exister, en général, de syndicats indépendants ? Poser la question de cette façon serait fondamentalement erroné. Impossible est en effet l’existence de syndicats réformistes indépendants ou semi-indépendants. Tout à fait possible est l’existence de syndicats révolutionnaires qui non seulement ne sont plus des soutiens de la police impérialiste, mais qui se fixent comme tâche de renverser directement le système capitaliste. À l’époque de l’impérialisme décadent, les syndicats ne peuvent être réellement indépendants que dans la mesure où ils sont consciemment dans l’action des organes de la révolution prolétarienne. Dans ce sens, le programme transitoire adopté par le dernier congrès de la 4e Internationale est non seulement le programme d’activité du parti mais, dans ses lignes essentielles, également le programme de l’activité syndicale. (Léon Trotsky, Les syndicats à l’époque impérialiste, août 1940)

Avec notre salutation communiste internationaliste,


Direction nationale du GMI
groupe.marxiste.inter@gmail.com